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Accents poétiques

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Featured Replies

Posté(e)
  • Semeur d’échos

Rémi, fa, sol

 

Récit sentimental

 

Dans cette ville où les rues vibraient de souvenirs, vivait une femme que l’on appelait la Dame silencieuse. Elle était connue pour se glisser sans bruit entre les passants, n’offrant de son visage qu’une ombre fuyante, souvent cachée derrière des voiles ou des masques bariolés. Certains disaient qu’elle avait été une comédienne célèbre, jadis, du nom de Véronique B., et qu’elle ne s’était jamais vraiment défaite de son masque du zanni, gardant au fond des yeux l’éclat de rôles oubliés.

Chaque jour à la même heure, elle montait dans l’ascenseur vieillot d’un immeuble délabré, paraissant danser entre les étages, fredonnant des airs sans parole. Quand l’hiver s’étirait, elle déposait sur les bancs des lettres écrites à l’encre pâle, mais personne ne les lisait. Elles étaient fragments de vie, souvenirs d’une tendresse enfuie, pensées murmurées aux étoiles trop distantes, parfois barbouillage sans queue ni tête mais artistiquement disposé sur le papier.

Personne ne savait vraiment ce qu’elle cherchait, ni pourquoi elle était venue. Mais grâce à elle, chacun pouvait ressentir que dans le vide de la vie, l’espérance et la poésie pouvaient grandir, énigmatiques et goutte à goutte, mot après mot. Certains commencèrent alors à guetter, dans le brouillard des matins, le sourire secret de cette héroïne du silence, passante dans l’ascenseur du monde, amie silencieuse des voix perdues.

Un jour, elle fut arrêtée dans sa course par un jeune poète nommé Rémi, un affamé d'idéal qui l'avait souvent remarquée, errant la tête dans les nuages. Il tendit vers elle une feuille manuscrite, aux fins caractères, humides encore d’encre violette. Voici le texte qui y figurait :

 

À La Silencieuse - Dédicace en pointillés

 

Mot après mot, fragment après fragment, sans hâte,

Le trait s'est dessiné : le visage terni,

Effacé par le temps, d’une femme zanni,

Qui celait son visage, tel entartré de pâte.

 

Pourquoi, comment ? On tait ; il n'est cheval qu'on bâte,

Mais le vent porte plume et il a tôt garni

D'un coussin de silence un souffle réuni,

Il n'était rien pourtant mais le malheur nous gâte.

 

Je vois donc son regard, tout embrumé d'instant,

Un long sanglot si pâle, un qui rêve d'enfant,

À l'innocence belle, à la tendre parole.

 

Elle danse, elle chante, elle prend l'ascenseur,

L'étoile la comprend, trop sèche flammerole,

J'aime pourtant son pas au vide enchérisseur.

 

La Dame silencieuse lut le poème offert, le tenant dans ses mains comme un objet fragile, un talisman, empli d’une lumière impalpable. Ses yeux, voilés de brouillard, semblaient sourire. Un frisson léger parcourut son corps, comme si ce poème frôlait un passé enfoui.

Elle regarda longuement le jeune homme, puis baissa les yeux, discrète, pour protéger la part d’ombre qu’elle portait. Son silence se fit langage : ni rejet, ni acceptation, juste une reconnaissance fragile, offerte à celui qui avait su capter l’essence d’une présence fugitive.

Dans cet instant suspendu, la Dame silencieuse devint l’écho vivant de ce poème. Elle était toujours cette danseuse d’entre les mondes, cette gardienne d’un vide précieux, mais pour la première fois, elle laissait percevoir qu’elle comprenait l’attraction qu’elle exerçait, non comme une figure lointaine, mais comme un secret partagé, fragile et précieux, entre âmes errantes.

Rentrée enfin chez elle après s’être enfuie très vite, la Dame silencieuse imagina la réponse poétique qu’elle aurait pu murmurer au jeune poète, si le monde existait vraiment. Elle écrivit ces mots :

 

 

L’âme de mon silence

 

Dans le vide abyssal où le néant se perd,
Je recueille ton souffle, ô fragile lumière.
Ton poème est reflet, doux murmure de peine,
Il caresse à loisir mes errances anciennes.

 

Je ne suis que silence enveloppé de brumes,
Une danseuse égarée dans l’univers des rimes.
Mais ce que tu reflètes, cette brise si tendre,
Fait renaître un espoir en bien étrange cendre.

 

Je contemple tes vers comme un secret confié,
Une étoile pâlie au creux d’un ciel voilé.
Ni promesse, ni regret, tout juste un court instant,
Tel un lien suspendu dans les moires du temps.

 

Continue à écrire, poète, à errer dans le vide,
Car c’est là que ma vie, malgré tout, se dévide.
Ta voix illumine mes pas, éblouit mes silences,
Et dans tout ce mystère, renaît cette Présence.

 

 

Elle soupira en relisant ce qu’elle venait d’écrire. Il n’y avait rien à donner, rien à celer. Tout était déjà écrit, depuis toujours.

 

 

FIN

Posté(e)

Un récit troublant ; hasard des associations sans doute mais la "Dame silencieuse" m'a aussi bien fait penser à La Femme oubliée (très beau rôle de Janet Leigh qui joue une ancienne danseuse vivant dans le souvenir de ses succès passés) qu'aux Yeux sans visage de Georges Franju (le masque).

Posté(e)

Alba, votre récit est un bijou de tendresse mélancolique, écrit d'une délicatesse poignante. Cette dame incarne une beauté évanescente, laissant derrière elle le parfum d'un mystère et d'une émotion profonde.💙

Posté(e)
  • Auteur
  • Semeur d’échos

Merci beaucoup à vous pour vos lectures si fines !

J'aime beaucoup mélanger prose et poésie dans mes contes et récits, et je le fais souvent. La voix devient un chant, et la phrase, une vibration...

Échos du silence.

( ͡°_ʖー)~☆

Posté(e)
  • Semeur d’échos

Tout est écrit, dis-tu, en l'occurrence avec une grande finesse. Ces deux âmes sensibles devraient considérer leur rencontre comme une grâce à ne pas laisser s'affadir. Un délice, cette alternance des discours.

Posté(e)
  • Auteur
  • Semeur d’échos

Merci Thy Jeanin, pour ces conseils avisés à mes personnages. 🙂

Malheureusement, la Dame du silence est entrée dans un pays d'où l'on ne revient pas, sans doute la Terre de Mélancolie. Dans cet univers, l'amour n'existe pas, ou n'existe plus. C'est un rêve, une illusion, qui s'est dissipée avec le temps. Y règne en maître le roi Néant...

༼ ﹏ ༽

Modifié par Alba

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