Léonidas aux Thermopyles

[Sertorius]

Éphialtès a trahi au profit du grand Roi.

Mais tout n’est pas perdu, vous tous ! Écoutez-moi !

Six jours aux Thermopyles, le succès fut en doute !

Le cœur des Immortels désormais nous redoute !

Xerxès, fils de Darius, n’est plus si orgueilleux.

Inquiet, il se défie de la colère des dieux.

Nous avons de ses Perses affaibli le courage,

Ce million d’esclaves altéré de carnage…

Il veut la terre et l’eau. Aux siens j’en ai donné !

Leur arrogant million est déjà condamné

Pour avoir traversé ce détroit délétère

Qu’ils osèrent fouetter pour prix de sa colère…

Le défilé est pris. J’en demeure d’accord,

Mais il nous reste l’Isthme où porter notre effort.

Thémistocle et sa flotte, si l’Attique est perdue,

Sont encor dangereux sur la mer défendue.

Du cap Artémison ils ont gardé les eaux.

Athènes vit encor à bord de ses vaisseaux.

Pour lors, gardons l’espoir, nos forces sont intactes.

Et dix mille des nôtres aux phalanges compactes

Interdiront l’accès pour ces vagues troupiers

Du Péloponnèsos si fertile en guerriers.

Nous n’avons qu’à couvrir quelque temps la retraite...

La victoire bientôt naîtra de la défaite !

Que dis-je la défaite ! le triomphe est pour ceux

Qui, souriant à Charon, sont les plus audacieux,

S’avançant fièrement, lorsqu’elle les appelle,

Vers une mort certaine et glorieuse et belle !

Que cinq mille de nous joignent les Corinthiens,

Laissant ici Thébains et les sept cents Thespiens

Et les trois cents Égaux, l’élite des Spartiates

Aux cheveux bien huilés, aux manteaux écarlates.

Pour moi, je reste ici. J’attendrai le passeur

Avec tous ces héros qui se couvrent d’honneur.

Dites à ceux de Sparte que nous mourons dociles

À ses sévères lois ; et nos âmes tranquilles

Rejoindront les héros du triste Simoïs.

Même Achille avouera nos exploits inouïs !

Et si quelque passant voit ici notre perte

Qu’il compare sa vie à notre gloire offerte.

Nous sommes là ! debout ! Nous n’en bougerons pas !

Allez ! Courez ! Laissez ici Léonidas !