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    La sottise, l'erreur, le péché, la lésine,
    Occupent nos esprits et travaillent nos corps,
    Et nous alimentons nos aimables remords,
    Comme les mendiants nourrissent leur vermine.

    Nos péchés sont têtus, nos repentirs sont lâches ;
    Nous nous faisons payer grassement nos aveux,
    Et nous rentrons gaiement dans le chemin bourbeux,
    Croyant par de vils pleurs laver toutes nos taches.

    Sur l'oreiller du mal c'est Satan Trismégiste
    Qui berce longuement notre esprit enchanté,
    Et le riche métal de notre volonté
    Est tout vaporisé par ce savant chimiste.

    C'est le Diable qui tient les fils qui nous remuent !
    Aux objets répugnants nous trouvons des appas ;
    Chaque jour vers l'Enfer nous descendons d'un pas,
    Sans horreur, à travers des ténèbres qui puent.

    Ainsi qu'un débauché pauvre qui baise et mange
    Le sein martyrisé d'une antique catin,
    Nous volons au passage un plaisir clandestin
    Que nous pressons bien fort comme une vieille orange.

    Serré, fourmillant, comme un million d'helminthes,
    Dans nos cerveaux ribote un peuple de Démons,
    Et, quand nous respirons, la Mort dans nos poumons
    Descend, fleuve invisible, avec de sourdes plaintes.

    Si le viol, le poison, le poignard, l'incendie,
    N'ont pas encor brodé de leurs plaisants dessins
    Le canevas banal de nos piteux destins,
    C'est que notre âme, hélas ! n'est pas assez hardie.

    Mais parmi les chacals, les panthères, les lices,
    Les singes, les scorpions, les vautours, les serpents,
    Les monstres glapissants, hurlants, grognants, rampants,
    Dans la ménagerie infâme de nos vices,

    Il en est un plus laid, plus méchant, plus immonde !
    Quoiqu'il ne pousse ni grands gestes ni grands cris,
    Il ferait volontiers de la terre un débris
    Et dans un bâillement avalerait le monde ;

    C'est l'Ennui ! - l'œil chargé d'un pleur involontaire,
    Il rêve d'échafauds en fumant son houka.
    Tu le connais, lecteur, ce monstre délicat,
    - Hypocrite lecteur, - mon semblable, - mon frère


    Illustration: Portrait de Baudelaire, COURBET Gustave, 1848



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    Commentaires recommandés

    J'adore ce poème, pour moi il est une oeuvre d'art sur la condition humaine de cette époque.

    Tous les thèmes chers à Baudelaire y sont traités et c'est aussi ce qui en fait toute la grandeur et la beauté.

    Merci d'avoir mis ce poème ici, c'est un vrai plaisir de retrouver mes poèmes préférés.

    🤩

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    Héloïse Maubert

    Posté(e)

    "Nos péchés sont têtus, nos repentirs sont lâches"

     

    On vendrait père et mère (non pas maman, quand même...) pour écrire ce genre de truc puissant !

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    Le 12/07/2023 à 11:49, Héloïse Maubert a écrit :

    On vendrait père et mère (non pas maman, quand même...) pour écrire ce genre de truc puissant !

    Je suis bien d'accord avec vous, même que je pourrais vendre les deux surtout que je n'ai plus que ma mère et à son âge j'ai peur de ne pas en tirer grand chose!!!!🤣

     

    l'un des passage que je préfère :

    Le 18/10/2020 à 22:09, Joailes a écrit :

    C'est le Diable qui tient les fils qui nous remuent !
    Aux objets répugnants nous trouvons des appas ;
    Chaque jour vers l'Enfer nous descendons d'un pas,
    Sans horreur, à travers des ténèbres qui puent.

     

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