Poésie
170 poèmes dans cette catégorie
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Mon cœur vous ajourne, Vieillesse, Par droit huissier de parlement, Devant Raison qui est maîtresse, Et juge de vrai jugement. Depuis que le gouvernement Avez eu de lui et de moi, Vous nous avez, par tyrannie, Mis sous le joug de Mélancolie Sans savoir la cause pourquoi. Auparavant nous tenait Jeunesse Et nourrissait si tendrement, En plaisir, confort et liesse Et tout joyeux divertissement ; Or vous faites tout autrement. Ce vous est honte, sur ma foi, Car en douleur et maladie Nous faites use
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Granger : Il est vrai qu'à l'âge où vous êtes, n'avoir point de barbe, vous me portez la mine, aussi bien que le Phoenix, d'être incapable d'engendrer. Vous n'êtes ni masculin, ni féminin, mais neutre : vous avez fait de votre Dactyle un Trochée, c'est-à-dire que, par la soustraction d'une brève, vous vous êtes rendu impotent à la propagation des individus. Vous êtes de ceux dont le sexe femelle, Ne peut ouïr le nominatif A cause de leur génitif, Et souffre mieux le vocatif De ceux qui n'ont p
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Sire lion étant passé Des soucis du pouvoir et des troubles du monde Au séjour de la nuit profonde, Quand on l'eut dans la tombe et dans l'oubli placé, Les animaux, convoqués à la ronde, Cherchaient un successeur au vieux roi trépassé. Hors un époux, rien n'est peut-être Plus embarrassant qu'un tel choix, Et l'on y regarde à deux fois Quand il s'agit de se donner un maître. D'abord on ne voulait plus voir Au pouvoir Ni tigres, ni lions, ni gens de cette espèce, Qui, montant sur le trône avec gri
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Comment peut-on tourmenter une femme ? Ne pas se plaire à faire son bonheur ? Il est pourtant des maris pleins d’humeur Avec aigreur Toujours chantant leur gamme. Que leur opposer ?... La douceur. Sexe charmant ! nature bonne et sage En a fait votre heureux partage, Profitez-en... et songez à l’adage : La patience vient à bout De tout. Une Souris logeait tout auprès d’une grange : On est bien fort dans l’endroit où l’on mange ; Mais sentir son dîner à travers un gros mur, Pour l’appétit, c’est
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La Vérité toute nue Sortit un jour de son puits. Ses attraits par le temps étaient un peu détruits. Jeunes et vieux fuyaient sa vue. La pauvre Vérité restait là morfondue, Sans trouver un asile où pouvoir habiter. A ses yeux vient se présenter La Fable richement vêtue, Portant plumes et diamants, La plupart faux, mais très brillants. « Eh ! vous voilà, bonjour, dit-elle ; Que faites-vous ici seule sur le chemin ? » La Vérité répond : « Vous le voyez, je gèle. Aux passants je demande en vain De m
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- Éloigne-toi, vil souffleur de tempête, Dit Jupiter, ne me romps pas la tête ; Le roi des dieux ne peut être... vaincu. Junon, piquée et même un peu confuse Que son époux eût surpris sa vertu Dans un état qui n’a guère d’excuse, Avec humeur se relève, et l’accuse De ne jamais la laisser en repos, Et d’arriver toujours mal à propos. - C’est bien à vous dit-elle de vous plaindre ! J’ai trop souffert, je suis lasse de feindre. Et la voilà rappelant tous les tours Qu’il lui faisait dans ses folles
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Avec sa feuille morte, où se glace la rouille, La vigne semble triste ainsi qu’une dépouille Une dernière fois étendue au soleil. Hier, qui donc a pris tout son raisin vermeil ? Les oiseaux, en émoi, modulent leur surprise. Car la vigne mûrit pour que l’oiseau se grise. Sournoisement qui donc a vendangé sans eux ? Et, sans en avoir l’air, les merles soupçonneux, Sous les feuilles qui font un bruit de voix plaintives, Regardent de travers l’attitude des grives.
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Dans le silencieux automne D’un jour mol et soyeux, Je t’écoute en fermant les yeux, Voisine monotone. Ces gammes de tes doigts hardis, C’était déjà des gammes Quand n’étaient pas encor des dames Mes cousines, jadis ; Et qu’aux toits noirs de la Rafette, Où grince un fer changeant, Les abeilles d’or et d’argent Mettaient l’aurore en fête.
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Klop, Klip, Klop, Klop, Klip, Klop, Goutte à goutte égrenant son rythmique sanglot, Aux vasques du bassin où l'eau rêve immobile, Un jet d'eau trouble seul la grande Nuit tranquille. Quel silence ! On dirait que le monde assoupi Sur des flots de velours roule dans l'infini. Là-haut, criblant l'Espace à des milliards de lieues, Pèlerins ennuyés des Solitudes bleues, Enchevêtrant sans fin leurs orbes indolents, Sans soucis des martyrs qui grouillent sur leurs flancs, Les étoiles en chœur circulent
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Dans la forêt étrange c’est la nuit ; C’est comme un noir silence qui bruit ; Dans la forêt, ici blanche et là brune, En pleurs de lait filtre le clair de lune. Un vent d’été, qui souffle on ne sait d’où, Erre en rêvant comme une âme de fou, Et, sous des yeux d’étoile épanouie, La forêt chante avec un bruit de pluie. Parfois il vient des gémissements doux Des lointains bleus pleins d’oiseaux et de loups ; Il vient aussi des senteurs de repaires ; C’est l’heure froide où dorment les vipères,
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Je vais parfois revoir, tout seul, un petit coin Obscur du boulevard Montparnasse, témoin De mon premier amour pour une « fleurs et plumes » Aux cheveux d'or. C'est dans ce lieu que nous nous plûmes. Aussi me produit-il un effet singulier : Il me semble que mon âme est comme un clavier, Et que le doigt furtif du souvenir la frôle. Pareil au bruit du vent dans les feuilles d'un saule, Il s'en dégage un son lumineusement doux, — Une espèce de la bémol, qui serait roux.
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À Monsieur Théodore de Banville I Ainsi, toujours, vers l’azur noir Où tremble la mer des topazes, Fonctionneront dans ton soir Les Lys, ces clystères d’extases ! À notre époque de sagous, Quand les Plantes sont travailleuses, Le Lys boira les bleus dégoûts Dans tes Proses religieuses ! — Le lys de monsieur de Kerdrel, Le Sonnet de mil huit cent trente, Le Lys qu’on donne au Ménestrel Avec l’œillet et l’amarante ! Des lys ! Des lys ! On n’en voit pas ! Et dans ton Vers, tel que les manches
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Jeune homme sans mélancolie, Blond comme un soleil d'Italie, Garde bien ta belle folie. C'est la sagesse ! Aimer le vin, La beauté, le printemps divin, Cela suffit. Le reste est vain. Souris, même au destin sévère : Et, quand revient la primevère, Jettes-en les fleurs dans ton verre. Au corps sous la tombe enfermé, Que reste-t-il ? D'avoir aimé Pendant deux ou trois mois de mai. " Cherchez les effets et les causes ", Nous disent les rêveurs moroses. Des mots ! Des mots !... Cueillons les ros
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Il brille, le sauvage Été, La poitrine pleine de roses. Il brûle tout, hommes et choses, Dans sa placide cruauté. Il met le désir effronté Sur les jeunes lèvres décloses ; Il brille, le sauvage Été, La poitrine pleine de roses. Roi superbe, il plane irrité Dans des splendeurs d'apothéoses Sur les horizons grandioses ; Fauve dans la blanche clarté, Il brille, le sauvage Été.
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Ah, Curnonsky, non plus que l’aube, N’était bien rigolo Il regardait le fil de l’eau. C’était avant les Taube. Et moi j’apercevais – pourtant Qu’on fût loin de Cythère – Un objet singulier. Mystère : C’est un éléphant. Notre maison étant tout proche, On le prit avec nous. Il mettait, pour chercher des sous Sa trompe dans ma poche. Hélas, rue-de-Villersexel, La porte était trop basse. On a beau dire que tout passe Non – ni le riche au Ciel.
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Dans Arles, où sont les Alyscamps, Quand l’ombre est rouge, sous les roses, Et clair le temps, Prends garde à la douceur des choses. Lorsque tu sens battre sans cause Ton cœur trop lourd ; Et que se taisent les colombes : Parle tout bas, si c’est d’amour, Au bord des tombes.
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Je suis le Ténébreux, — le Veuf, — l’Inconsolé, Le Prince d’Aquitaine à la Tour abolie : Ma seule Étoile est morte, — et mon luth constellé Porte le Soleil noir de la Mélancolie. Dans le nuit du Tombeau, Toi qui m’a consolé, Rends-moi le Pausilippe et la mer d’Italie, La fleur qui plaisait tant à mon cœur désolé, Et la treille où le Pampre à la Rose s’allie. Suis-je Amour ou Phoebus ?... Lusignan ou Biron ? Mon front est rouge encor du baiser de la Reine ; J’ai rêvé dans la Grotte où nage la S
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Dans Sainte-Pélagie, Sous ce règne élargie, Où, rêveur et pensif, Je vis captif, Pas une herbe ne pousse Et pas un brin de mousse Le long des murs grillés Et frais taillés. Oiseau qui fends l'espace... Et toi, brise, qui passe Sur l'étroit horizon De la prison, Dans votre vol superbe, Apportez-moi quelque herbe, Quelque gramen, mouvant Sa tête au vent ! Qu'à mes pieds tourbillonne Une feuille d'automne Peinte de cent couleurs, Comme les fleurs ! Pour que mon âme triste Sache encor qu'il exi
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J'ai perdu ma force et ma vie, Et mes amis et ma gaieté ; J'ai perdu jusqu'à la fierté Qui faisait croire à mon génie. Quand j'ai connu la vérité, J'ai cru que c'était une amie ; Quand je l'ai compris et sentie, J'en étais déjà dégoûté. Et pourtant elle est éternelle, Et ceux qui se sont passés d'elle Ici-bas ont tout ignoré. Dieu parle, il faut qu'on lui réponde. Le seul bien qui me reste au monde Est d'avoir quelquefois pleuré.
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Mais quel est ce piton dont le front sourcilleux Se dresse, monte et va se perdre dans les cieux ? Ce mont pyramidal, c'est le piton d'Anchaine. De l'esclave indompté brisant la lourde chaîne, C'est à ce mont inculte, inaccessible, affreux, Que dans son désespoir un nègre malheureux Est venu demander sa liberté ravie. Il féconda ces rocs et leur donna la vie ; Car, pliant son courage à d'utiles labeurs, Il arrosait le sol de ses libres sueurs. Il vivait de poissons, de chasse et de racines :
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Cigales, mes sœurs, Qu'importe à nos cœurs La richesse des granges pleines ? Pourvu que nos voix Sonnent par les bois Quand midi flambe sur les plaines ? Laissons la fourmi Se glisser parmi L'amas gisant des blondes gerbes, Et les noirs grillons, Hôtes des sillons, Sautiller dans l'ombre des herbes. Heureuses de peu, Pourvu qu'un ciel bleu Resplendisse à travers les branches, Nous, nous comptons sur La manne d'azur Dont se nourrissent les pervenches. Par les froids hivers Nous n'allons pas vers
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Nous fûmes donc au château d'If. C'est un lieu peu récréatif. Défendu par le fer oisif De plus d'un soldat maladif, Qui, de guerrier jadis actif, Est devenu garde passif. Sur ce roc taillé dans le vif, Par bon ordre on retient captif, Dans l'enceinte d'un mur massif, Esprit libertin, coeur rétif Au salutaire correctif D'un parent peu persuasif. Le pauvre prisonnier pensif, À la triste lueur du suif, Jouit, pour seul soporatif, Du murmure non lénitif Dont l'élément rébarbatif Frappe son organe at
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Ô toison, moutonnant jusque sur l'encolure ! Ô boucles ! Ô parfum chargé de nonchaloir ! Extase ! Pour peupler ce soir l'alcôve obscure Des souvenirs dormant dans cette chevelure, Je la veux agiter dans l'air comme un mouchoir ! La langoureuse Asie et la brûlante Afrique, Tout un monde lointain, absent, presque défunt, Vit dans tes profondeurs, forêt aromatique ! Comme d'autres esprits voguent sur la musique, Le mien, ô mon amour ! nage sur ton parfum. J'irai là-bas où l'arbre et l'homme, plei
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Bon appétit ! messieurs ! — Ô ministres intègres ! Conseillers vertueux ! Voilà votre façon De servir, serviteurs qui pillez la maison ! Donc vous n’avez pas honte et vous choisissez l’heure, L’heure sombre où l’Espagne agonisante pleure ! Donc vous n’avez ici pas d’autres intérêts Que remplir votre poche et vous enfuir après ! Soyez flétris, devant votre pays qui tombe, Fossoyeurs qui venez le voler dans sa tombe ! — Mais voyez, regardez, ayez quelque pudeur. L’Espagne et sa vertu, l’Espagne et