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Posté(e) (modifié)

La grogne avait suivi la démultiplication de l’espace.

 

 

Depuis la décision suprême, tout ce qui nageait furetait dans un domaine allant du ru à l’océan, sans distinction de couleur, de régime ou de taille.

 

 

La situation parut d’abord merveilleuse et harmonieuse. On parlait de pacifisme puisque le bon voisinage devait conduire à l’osmose.

 

 

Il y eut un os, évidemment.

 

 

Et de taille.

 

 

Les écrevisses des ruisseaux restèrent gauches, les ablettes des rivières demeurèrent adroites et les requins de l’océan furent toujours des requins.

 

 

Sans compter qu’avec le réchauffement des relations, les eaux, si vastes soient-elles, hébergeaient toujours plus d’alligators, caïmans, crocodiles et reptiles.

 

 

Quelques esprits chagrins s’indignèrent alors de la prolifération nouvelle, du laxisme des initiateurs du projet et du chaos surgi d’une fraternité de façade.

 

 

Les ruisseaux firent de grandes rivières, les larmes du crocodile remplirent les mers et face aux antagonismes, les autorités proposèrent un référendum.

 

 

En masse, les crapauds de la mare, les grenouilles de l’étang, les brochets du lac et les lamproies de l’océan réfutèrent l’assèchement programmé de leur biotope.

 

 

Le refus des lendemains frileux s’afficha sur les compteurs et les sourires se glacèrent. Les reptiliens souffrirent au lieu même de leur raison d’être.

 

 

Car la manne des nageurs avait gardé son sang-froid et avait hissé la grand voile vers des îles rieuses.

 

 

Les baigneurs à sang chaud, initiateurs de la réforme des grands espaces censée les nourrir à profusion, ne vécurent pas la nouvelle avec la même candeur.

 

 

Ils prirent fait et cause pour leurs cousins aux dents acérées. Ils appelèrent au bon sens, citèrent les anciens et du fond de leur cénacle décidèrent l’enfouissement du cercueil de Platon.

 

 

Au nom du souvenir des martyres de la foi, au nom de la mémoire des morts sur le seuil de la liberté, des diatribes dignes de celles d’une horde de hyènes envahirent la nuit de syllabes puantes.

 

 

Au nom de la grandeur de leurs cerveaux visionnaires, au nom de l’encens qui embaumait leurs poèmes, ils décrétèrent des funérailles nationales et imposèrent silence aux esprits tapageurs.

 

 

Juste après le sermon, mains gantées, pelisses policées, les notabilités squales et sélachimorphes y allèrent de leur aumône pour enluminer de plaisir les lourdes sentences qu’ils assénaient à foison.

 

 

Dans l’homélie qui suivit l’évangile, le grand prêtre détailla les historiques nécessités qui menaient à la dispersion des semailles de naguère dans les champs sans limites des lendemains solaires.

 

 

Nous étions en mai et les fruits du printemps, ceux des vergers de Clément comme ceux des haies de la butte et des buissons ardents de la révolte, pourrirent dans le fond de la fosse commune.

 

 

Cette année-là, mai eut des airs de novembre et le cortège noir des idéaux perdus et des espoirs déchus s’enfonça dans la nuit grise de l’opulence parcimonieuse qui eut raison de tous leurs saints…

Modifié par Papy Adgio
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