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Featured Replies

Posté(e)
  • Semeur d’échos

Mon Halloween de ouf

 

Le souffle d'octobre, glacial balayait les dalles disjointes de l'ancien quartier. La nuit du trente-et-un, gorgée des effluves doucereux des cucurbitacées éventrées et des arômes épicés, avait déployé son ciel le plus inhabituel, un palimpseste d'encre et de masses nuageuses, dessinant un filtre sombre sur la réalité perceptible.

Lucas, travesti en zombie, s'avançait aux côtés de sa compagne, Chloé, qui avait endossé un costume de sorcière futuriste. À leur suite, le groupe d'amis formait un cortège bruyant : Maël, en vampire d'outre-tombe, et Sofia, en Arlequin débridé, peut-être un peu trop surexcitée. La lueur des lampions épars peinait à dissiper les ténèbres naissantes.

-          Wesh, c'est chaud ce soir. On est déter pour le trick-or-treat chez les darons ou on va direct à la teuf ?

-          Balec des bonbons, mon sang. Je veux juste kiffer l'ambiance. Regarde la maison là-bas, c'est une dinguerie les décors ! Ils ont dead ça !

-          Miskine, j'ai la dalle et j'ai pas mon latte. J'espère qu'il y aura de la moula pour la bouffe après. Sinon, je vais avoir le seum.

-          T'es relou, Maël. ASKIP, la soirée, c'est un banger : on va s'enjailler de ouf, oublie tes bails de bouffe. C'est Halloween, gros !

Ils franchirent l'enceinte du parc municipal, un lieu ordinairement paisible qui, cette nuit, revêtait l'aspect solennel d'un ossuaire ancestral. À la lisière d'un taillis, une forme spectrale attira leur attention. Elle était enveloppée d'un linceul immaculé, ses pieds ne semblant pas fouler le sol. C'était une mise en scène d'un réalisme frappant, du moins, telle était l'explication rationnelle que leur esprit tenta d'échafauder.

-          Yo, c'est qui ce boloss ? Son costume est trop creepy.

L'apparition se tourna avec une lenteur insoutenable. À cet instant précis, la vérité s'imposa. L'atmosphère se fit glacialement dense, l'éclairage public chancela. Il ne s'agissait point de l'énergie festive, mais du silence terrifiant d'une présence véritablement éthérée. L'entité était dépourvue de traits, n'offrant qu'un vide abyssal là où les traits devaient se dessiner.

-          Wesh, ça c'est pas carré… C'est pas un mythe, là ! Mon cœur fait des figures zarbis…

-          J'ai pas signé pour ça ! On se casse, vite !

Le spectre laissa échapper une plainte stridente, un sifflement qui pénétra jusqu'à la moelle. Ce fut le signal. Une multitude d'ombres s'extirpa des ténèbres, non le groupe des noctambules déguisés, mais une cohorte de morts-vivants à la pâleur cadavérique. La confusion fut totale : qui jouait un rôle et qui était entité ? Saisis d'une panique irrépressible, les amis rompirent les rangs. Le mot d’ordre fut unanime et primaire : la fuite.

-          J'ai dead ça ! On se casse ! C'est la hantise de ouf !

-          Je suis refait d'être parti ! Je suis trop vénère, j'ai failli me planter dans une tombe !

Autour d’eux, ce fut une débandade générale, un flot de sorcières et de vampires courant à perdre haleine, le maquillage dégoulinant, les poumons soumis à rude épreuve. Ils ne fuyaient plus pour le plaisir d'Halloween, mais pour leur sauvegarde, mus par cette terreur réelle qui venait de déchirer le voile du monde tangible. Les quatre amis s'enfuirent sans se retourner, abandonnant derrière eux la nuit profonde, réalisant que la fiesta de l'année était, en vérité, une vraie folie.

Leur fuite éperdue se prolongea sur plusieurs pâtés de maisons. Lucas, Chloé, Maël et Sofia ne retrouvèrent leur souffle qu'une fois réfugiés dans l'appartement cossu des parents de Lucas. L'atmosphère, quelques minutes plus tôt insouciante, était désormais saturée d'une terreur intense. Ils verrouillèrent la porte à double tour, comme si le bois et le métal pouvaient endiguer l'intrusion de l'irréel.

Ils se laissèrent choir sur le canapé du salon, cherchant un semblant de réconfort dans le confort familier. Les cœurs martelaient une cadence frénétique, et leurs regards hagards scrutaient chaque angle obscur de la pièce, cherchant l'assurance que la folie nocturne était demeurée à l'extérieur. La rationalité, cependant, peinait à reprendre le dessus. C'est à cet instant précis, alors que Maël se dirigeait vers le réfrigérateur en quête d'une boisson réconfortante, qu'une anomalie se manifesta, subtile d'abord, puis d'une évidence glaçante.

Les citrouilles sculptées, disposées sur la table basse pour la décoration, s'étaient animées. Leurs sourires sinistres et édentés clignotaient d'une faible lueur interne, mais surtout, une petite citrouille miniature flottait à quelques centimètres du sol, décrivant de lentes arabesques.

-          J'ai pas bu, je vous jure ! Regardez, ça flotte de ouf ! 

-          J'ai le seum du seum ! Elles sont venues avec nous ! C'est la hantise qui a squatté notre baraque ! C'est pas carré du tout ! 

À peine ces mots furent-ils prononcés qu'une vague de froid envahit la pièce, faisant trembler les bibelots sur les étagères. Un murmure inaudible, qui n'était pas le vent mais la réverbération de voix lointaines, s'éleva. Sur le miroir de l’entrée, là où Lucas avait vérifié son maquillage de zombie quelques heures auparavant, une fine buée se forma, puis s'évanouit, laissant derrière elle une inscription macabre tracée par une main invisible. L'inscription tenait en quelques mots : "Nous sommes là".

-          Wesh, mais c'est quoi ce délire ? Ils nous trollent, c'est pas possible ! Je kiffe plus du tout cette vibe !

-          Gros, on fait quoi ? On peut pas lâcher les baskets à des fantômes ! Faut se casser de cet appart, ASAP ! Je suis trop vénère, ça sent le piège de ouf !

Sans se concerter, animés par la même terreur viscérale, ils firent volte-face. La sophistication du salon, jadis leur refuge, s’était transformée en péril mortel. Ils se précipitèrent vers la sortie, ouvrant la porte avec une violence telle que le bois craqua. La nuit, maintenant complice des entités, s'ouvrait à nouveau devant eux. Mais cette fois-ci, ils ne fuyaient plus le parc, mais leur propre foyer, réalisant que le fantastique, une fois invité, pouvait rendre n'importe quel endroit terrifiant. Leurs silhouettes déguisées s'éloignèrent dans l'obscurité, laissant derrière eux la citrouille flottante, gardienne ironique d'une maison diaboliquement possédée.

 

FIN

 

Modifié par Alba

Posté(e)
  • Semeur d’échos

L’alternance du style soutenu et de l’argot moderne est particulièrement réjouissante dans ce texte d’actualité récente.

Posté(e)

Un mélange des genres et des styles absolument jouissif, une vraie comédie d'épouvante ou un film d'horreur comique, au choix, mais avec un fond subtil et nuancé.

Posté(e)

Alors là, bravo Alba! Vous mêlez avec brio le lyrisme des descriptions à la crudité du langage des ados!! Ce mélange de styles est délectable à souhait! Et la scène finale illustre à merveille l'idée que le surnaturel, une fois invité, peut contaminer les lieux les plus familiers!😻

Posté(e)
  • Auteur
  • Semeur d’échos

Merci à vous tous pour vos commentaires si pertinents !

Je me suis beaucoup amusée, comme vous pouvez le penser, à faire se rencontrer le niveau de langue le plus soutenu et la parlure moderne de nos chères têtes blondes !

J'ai étudié en détail ces raffinements d'expression on ne peut plus "à la page", comme on disait jadis, en me penchant (prudemment) sur le rap et le slam dans la rubrique des Jeux poétiques.

À suivre...

( ͡~ ͜ʖ ͡° )

Posté(e)
  • Semeur d’échos

Bellle virtuosité que cette dualité de style, j'te jure j'ai kiffé de ouf.! Après, je m'dis sacom: ces petits jeunots se laissent peut-être un peu trop imprégner par le cinéma d'épouvante. Pas cool pour eux, nom d'une citrouille!

Posté(e)

L'opposition entre le langage très soutenu des descriptions et le registre argotique des dialogues de djeuns crée une tension narrative intéressante.

Cette dissonance renforce l'idée d'un décalage entre l'apparence festive et la réalité terrifiante.

Un texte très réussi et empli d'humour, qui joue habilement avec les codes de l'horreur et crée une atmosphère unique grâce à son approche stylistique audacieuse.

La chute avec la citrouille flottante est particulièrement efficace !



Posté(e)

une rencontre inattendue et bien effrayante et je ne parle pas des spectres nocturnes

( ͡~ ͜ʖ ͡° )

Le texte est très bien écrit et ce genre de thème me parle bien

Modifié par Nergal

Posté(e)
  • Auteur
  • Semeur d’échos

Merci beaucoup à tous pour vos lectures de ce texte de divertissement !

Peut-être avons-nous déjà croisé des spectres, sans nous en douter (je ne parle pas des morts)...

Je pense sincèrement que nous serions incapables de distinguer un être vivant d'un mort-vivant, si par hasard nous rencontrions un.

La pantomime nous suffit, le mime nous comble. Nous évoluons dans un monde empli de masques, non forgés par autrui, mais par nous-mêmes, tant nous ne voyons que ce que nous désirons voir.

(︶。︶✽)

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