Posté(e) 2 juillet2 juil. comment_200165 Note pour la lecture:( ' ) après un mot: coupe n'induisant aucune pause(,) virgule: pause courteBientôt' la pièce immense apparut à mon regard. Devant moi s'alignait une indéfinie série d'immaculées tables. J'optai pour la première immédiatement à ma droite. Sa nappe en cotonnade albuginée m'éblouissait, m'induisant un sentiment de propreté, pureté' gaieté. Je m'assis, puis j'attendis. C'est ainsi que j'eus tout loisir d'observer l'environnement. Les murs se trouvaient agrémentés par des boiseries et tapisseries, se renvoyant luisance et nitescence. Leurs tons variaient du carmélite au sépia: latte ajustée, pavage en tomette alignée, solive et chevêtre encastrés, cimaise et lambris emboîtés, plinthe appliquée. S'y joignaient marqueteries des buffets, panneaux de la crédence et dosserets du vaisselier. Chaque essence arborine ainsi constituant ces parties, surajoutait sa touche à l'ensemble harmonieux, sa texture et son grain' son vernis, son maillage et veinage' en un subtil jeu d'aspect, couleur' motif' schéma' forme. Devant moi se trouvaient accrochés de rutilants ferrats, fontaine au sein replet, chaudrons au corps ventru. Sur la teinte humble' effacée' des plans unis, leur peau cuivrique aux reflets roux flamboyait orgueilleusement. Je scrutai plus attentivement les parois. Des objets suspendus s'y présentaient: raquette en mélèze et cuir de caribou, ski d'hickory couvert en peau de chamois, luge en treillis de coudriers. Ces témoins de la vie montagnarde évoquaient l'extérieur hivernal. Par contraste ainsi' l'espace intérieur' jalousement, paraissait protégé de la rigueur hiémale. Sans que je sortisse effectivement, je ressentis l'enivrement des randonnées, le vertige inconnu des pitons, la griserie des plateaux.
Posté(e) 2 juillet2 juil. Semeur d’échos comment_200169 La salle de restaurant est évoquée avec précision et minutie, l'information jointe sur la ponctuation renforce le côté analytique et détaillé du texte. Rien n'est laissé au hasard.
Posté(e) 3 juillet3 juil. comment_200233 Il y a 13 heures, Ferrandeix a écrit :cotonnade albuginéeBonjour et merci @Ferrandeix pour cette œuvre d'esthète assurément, qui ravira les amateurs de belleécriture. Un luxe (nécessaire) de détails, mots choisis, écriture dense, (description oblige); où l'on ne tombejamais dans l'indigestion, car la qualité du style est le rythme sont là. Un texte dont on appréciera la richesse lexicale et l'élégance des tournures à la faveur de plusieurs relectures(je suis plus réservé pour 'série d'immaculées tables) cela n'engage que moi Modifié 3 juillet3 juil. par Filae77
Posté(e) 3 juillet3 juil. Auteur comment_200240 Merci et vous avez certainement raison dans votre critique au sujet de "immaculées tables". C'est un peu le corollaire obligé de l'écriture euphonique, un peu comme dans la poésie classique que je critique tant :-)
Posté(e) 3 juillet3 juil. Correcteur comment_200249 Une description à mes yeux trop précise, trop détaillée, avec quelques lourdeurs de construction en effet.C'est touffu et gagnerait à être un peu aéré , comme la salle de restaurant !
Posté(e) 3 juillet3 juil. Semeur d’échos comment_200284 Je me demande ce qui est le plus précieux, de la forme et du fond. Brillante description.
Posté(e) 4 juillet4 juil. comment_200310 J'allais émettre une remarque à propos des "immaculées tables" (dès la 1ère ligne !) mais je vois qu'elle a été faite déjà. C'est ce qu'après Alexandre Astier; j'appelle le syndrome de la "frisottée moustache" : des inversions artificielles, ultra-courantes hélas. Restons simples.
Posté(e) 4 juillet4 juil. Auteur comment_200313 Remarque justifiée, néanmoins le sujet des inversions est vaste. C'est une caractéristique de la poésie depuis la poésie grecque ancienne (quoique l'ordre des mots y soit plus indifférent, mais ça reste sensible quand même). Pareil en poésie latine. En poésie française aussi, cependant en prose poétique, cela peut choquer, à juste raison. En l'occurrence, c'est pour éviter le e caduc de table dans le syntagmes."tables immaculées"En écriture euphonique (en prose, pas en poésie, il n'y a aucun e caduc dans une phrase, sauf avant le point final, cela pour éviter tous les inconvénients de ces e caducs et l'indétermination prononciative qu'ils induisent.
Posté(e) 5 juillet5 juil. comment_200372 C'est assez surprenant comme texte, en tout cas. Je crois comprendre le but ("écriture euphonique", ce qui me parle aussi jusqu'à un certain point), toutefois ça ne saute pas aux yeux à la première lecture. Quant aux inversions, en grec ou en latin, langues à "cas", les règles sont tout à fait différentes du français actuel, et précisément, l'inversion artificielle est extrêmement pratiquée aujourd'hui dans les "poèmes" de certains, généralement pour arriver à coller à la rime ou simplement pour "faire genre". Je pense qu'il faut rester raisonnable : l'inversion en soi n'est pas condamnable, elle est même parfois très utile ou belle, mais quand ça sonne faux (comme dans la "frisottée moustache" dont se moque Astier), il vaut mieux s'en abstenir. Enfin, c'est mon avis.
Posté(e) 5 juillet5 juil. Auteur comment_200398 Il y a 2 heures, Jackass a écrit :C'est assez surprenant comme texte, en tout cas. Je crois comprendre le but ("écriture euphonique", ce qui me parle aussi jusqu'à un certain point), toutefois ça ne saute pas aux yeux à la première lecture. Quant aux inversions, en grec ou en latin, langues à "cas", les règles sont tout à fait différentes du français actuel, et précisément, l'inversion artificielle est extrêmement pratiquée aujourd'hui dans les "poèmes" de certains, généralement pour arriver à coller à la rime ou simplement pour "faire genre". Je pense qu'il faut rester raisonnable : l'inversion en soi n'est pas condamnable, elle est même parfois très utile ou belle, mais quand ça sonne faux (comme dans la "frisottée moustache" dont se moque Astier), il vaut mieux s'en abstenir. Enfin, c'est mon avis.Concernant les inversions, il faut effectivement ne pas en abuser. Elles peuvent dans certains cas ajouter un cachet d'élégance aristocratique", et rebuter dans d'autres. Chez les Anciens, c'était rarement pour la rime car elle était peu pratiquée, mais possiblement pour la métrique ou pour créer un effet poétique (?). Concernant le caractère euphonique de mon texte, toutes les cacophonies vocaliques et surtout toutes les cacophonies consonantiques ont été évitées, ce qui n'est pas le cas de la poésie classique où aucune cacophonie consonantique n'est évitée et où il subsiste des cacophonies vocaliques (les fameux "hiatus permis", qui, pour certains, n'étaient possiblement pas au 16e siècle des cacophonies en raison de la prononciation possiblement différente des voyelles nasales (?), mais qui en sont assurément aujourd'hui. Quant au cas des e terminaux après voyelle, comme dans "venue",, la cacophonie vocalique, pour l'oreille, est irrémédiable.Sur l'appréciation qu'on peut avoir du texte, j'ai testé des exemples auprès de diverses personnes sur un texte sans cacophonies et un texte bourré de cacophonies. Certaines personnes préfèrent le texte euphonique, d'autres préfèrent le texte cacophonique, d'autres ne voient pas de différence. C'est une question de sensibilité personnelle. L'euphonie n'est pas une vérité apodictique. On peut préférer un texte plus rauque à un texte plus fluide. C'est possiblement un choix esthétique. L'écriture euphonique ne prétend pas du tout à l'universalité.
Posté(e) 5 juillet5 juil. comment_200406 Je comprends l'idée, encore faudrait-il s'entendre sur ce qui est cacophonique et ce qui ne l'est pas. Je pense par exemple qu'on ne peut pas mettre tous les hiatus dans le même sac, ils sont plus ou moins pénibles, il y a une gradation (d'autant que parfois on a des hiatus internes, même dans les mots courants, comme dans "géant" par exemple ; quant aux e terminaux après voyelle, ils sont effectivement très courants en français, mais c'est la langue, et ça n'a pas l'air de gêner grand monde). Personnellement, j'essaie d'éviter au moins les prononciations les plus gênantes, par exemple si j'ai à la rime le mot "bistre", ou "astre" (termes parfaitement français), j'éviterai de commencer le vers suivant par une double consonne, comme dans "frôle" : l'astrfrôle... bof.Mais ne vous faites pas d'illusions, le Français, par définition, n'a pas d'oreille, ou en tout cas, ce souci vient bien loin après les autres : il cherche avant tout à savoir "ce que le poète a voulu dire" (c'est fondamental, et il confond systématiquement l'intention avec le résultat), puis il se demande si les images sont jolies, peut-être si la syntaxe est correcte, et après, éventuellement, si ça "sonne bien", mais là, il trouve que c'est vraiment pinailler. Et les "journalistes" de télé et de radio ne sont pas innocents de cette attitude : ce sont eux qui, à l'introduction de l'euro, fatigués peut-être qu'on se moque d'eux, ont décidé qu'il fallait prononcer "vin-euros", "cen-euros" ou "deux-cen-euro" (hiatus épouvantables), alors que vin-t-euros, cen-t-euros ou deux-cent-z-euros ne posaient aucun problème de prononciation - sauf à eux (on entend encore parfois "cent-z-euros"). Et quant à prononcer des noms étrangers, alors là, c'est la grande rigolade, ils n'ont évidemment aucune idée de ce que peut être l'accent tonique, et je viens encore d'entendre (à la télé) le prénom allemand Peter prononcé "Pîter" (eh quoi ? les Allemands ne sont-ils pas des étrangers ? et tous les étrangers ne sont-ils pas censés prononcer à l'anglaise ?) Ils vont même jusqu'à dire, très fiers d'eux, "LoukaTchenko" alors qu'il n'y a jamais eu de t dans ce nom, et que les Anglo-Saxons écrivent tout naturellement "Lukashenko", mais ils trouvent sans doute que ça fait plus chic. Quant à Eyjafjallajökull (pas de problème particulier, surtout quand on l'a entendu une fois prononcé correctement), ça les a tellement sidérés qu'ils ont décidé que ça se prononçait "le volcan islandais". Quand on leur fait remarquer qu'ils sont nuls, ils font semblant de ne pas entendre d'ailleurs. Alors, l'euphonie en français... Modifié 5 juillet5 juil. par Jackass typo
Posté(e) 5 juillet5 juil. Auteur comment_200415 L'oreille n'intervient plus en poésie pour l'ensemble du lectorat, je l'ai constaté en effet. Le paradoxe, c'est que les poètes classiques continuent à satisfaire à des règles qui n'ont donc plus de signification, d'autant plus que la langue a énormément évolué. La poésie produite n'est pas nécessairement mauvaise, tout simplement c'est comparable à de l'oulipo: des contraintes gratuites qui peuvent - ou pas - s'avérer positives car cela oblige à réfléchir sur son texte, à rechercher des mots plus idoines... Par ailleurs, la subvocalisation (lecture intérieure) permet aussi un certain gommage des cacophonies par rapport à la vocalisation orale. Vous avez raison, supprimer les cacophonies les plus gênantes est ce à quoi il faut procéder en priorité. Quant au cacophonies vocaliques (dont les hiatus ne sont qu'une catégorie), le linguiste Grammont considérait que leur éviction ne s'imposait pas spécialement en poésie, sauf les homovocalismes. C'est assez compliqué de répondre à cette question. Par ailleurs, il est facile de montrer que chez les "grands" poètes classiques et romantiques, on trouve des cacophonie extrêmement gênantes, du moins en ce qui concerne ma sensibilité propre. Pour Antonin Artaud, la cacophonie est positive ! C'est un oxymore étymologiquement.
Posté(e) 5 juillet5 juil. comment_200416 Artaud, je ne sais pas, je ne le connais pas assez, mais ce que vous dites me paraît fort intéressant. Il est clair que la langue évolue, d'ailleurs pour autant que je me rappelle, en poésie classique on n'admettait pas par exemple un mot commençant par une consonne juste après une terminaison en "e muet", comme "venue". Chaque fois que je me trouve face à cette situation, c'est un cas de conscience : je me l'autorise ? ou pas ? (généralement... oui). La césure aussi était très règlementée, mais au 19ème siècle on voit clairement que cette contrainte faisait plutôt rigoler les poètes, qui la balançaient gaillardement par-dessus les moulins... De toutes façons, le "e muet" (je crois qu'il faut dire "caduc") était autrefois prononcé, et on le voit dans les rimes de certains poèmes anciens (de même qu'on prononçait "aimèr" pour rimer avec "mer", par exemple). Mais on trouve des à-peu-près quasiment dans tous les poèmes célèbres, c'est pourquoi je pense qu'il ne faut pas les diviniser, même quand on les apprécie beaucoup. Selon mon expérience propre, il y a toujours, même dans le poème dont on est le plus fier, une petite paille, un petit quelque chose qui coince, qui pourrait être amélioré... mais on ne sait pas comment. Ce n'est jamais parfait.Et les poètes, effectivement, n'ont pas toujours conscience que ce qu'ils cherchent à faire serait plutôt dans le cadre racinien, ou hugolien, ou apollinairien. Ou plus moderne d'ailleurs.Question cacophonies, oui, je pense qu'il faudrait essayer d'établir un tableau, en distinguant ce qui gêne vraiment beaucoup, un peu moins, ou presque pas. Ça pourrait intéresser au moins ceux qui essayent de bonne foi de s'améliorer (si ! il doit y en avoir).Pour l'Oulipo, autant je les trouve sympathiques, autant je pense que les contraintes qu'ils s'imposent ne donnent généralement pas, et il s'en faut, de la "bonne" poésie (ni même de la "bonne" littérature). Disons que j'aime bien Queneau par exemple, car il avait à la fois du talent et de l'humour. Mais pas besoin d'être oulipiste pour rechercher le mot idoine : personnellement, j'ai passé des heures à consulter des dictionnaires de synonymes, sans parler des dictionnaires de rimes... Ce sont quand même des outils bien pratiques.Enfin, hélas, la poésie française, au contraire de l'anglaise, l'allemande, ou la russe par exemple, n'est pas, ou peu "rythmée" (la langue elle-même étant peu intonée). D'où la catastrophe des traductions poétiques de ces langues (notamment), lorsqu'elles sont basées uniquement sur le "sens", ce qui est la règle générale. Le Français ne comprend que le "sens", tout le reste lui parait accessoire, secondaire, sinon exotique. Un Français moyen ne saura jamais prononcer "Guten Abend". Il dira toujours goutènne abènnde, et si vous essayez de faire mieux il ricanera. C'est ainsi...
Posté(e) 5 juillet5 juil. Auteur comment_200434 S'il y a un point où les classiques n'avaient pas tort, c'est bien celui de la césure. La particularité de l'alexandrin qu'il ne fallait modifier, c'est justement ce qu'ont fait les Romantiques. Abel Ducondut le remarque très justement. À mon avis, Banville, qui a voulu codifier le vers romantique se fourvoie. Il divinise la rime et détruit le rythme. Ce qui caractérise l'alexandrin, c'est l'effet de balancement: une césure centrale sur une liaison grammaticale faible. Néanmoins, nombreuses parties d'un poème qui paraît écrit en alexandrin peuvent être de la prose présenté graphiquement sous l'apparence de vers, le dodécasyllabe sans césure idoine ne pouvant guère, me semble-t-il, représenter un vers valide.
Posté(e) 6 juillet6 juil. comment_200440 Le rythme, c'est un de mes dadas. Toutefois l'alexandrin "romantique" (4 + 4 + 4) ne me choque pas, l'essentiel est me semble-t-il que le lecteur ressente qu'il y a bien un rythme, quel qu'il soit. (Enfin bon, ressente, je m'avance peut-être un peu). Et on peut insuffler un rythme même dans la prose, ou du moins la prose poétique, même s'il n'est pas régulier ni codifié. Et en poésie, ça ne concerne pas que l'alexandrin, ainsi me choque un peu ce vers de Charles Cros, qui a écrit son poème "Insoumission" en octosyllabes avec césure médiane (Vivre tranquille / en sa maison...) : vers la fin, on trouve d'abord "Du vin frais et / des filles fraîches,", bon, admettons, mais ensuite "On naît filles, / on naît garçons.", et là, ça m'écorche un peu les oreilles (filLEUH), alors que le reste serait acceptable. Je pense qu'un poème doit avant tout être cohérent, à moins bien sûr de volontairement y introduire une énormité.
Posté(e) dimanche à 14:245 j Auteur comment_200478 Je suis d'accord avec vous à propos du vers ternaire qui me paraît tout à fait valide. Je ne m'étais pas exprimé entièrement. Ce que je conteste en revanche, c'est qu'on mêle des dodécasyllabes à coupe ternaire et des dodécasyllabes à coupe binaire (alexandrins) dans un même poème, ce que fait notamment Hugo. D'autres exemples de coupe ne sont pas forcément choquants à condition de ne pas les mélanger entre eux. Par exemple, le décasyllabe avec coupe 4 /6 utilisé au Moyen Âge me paraît concevable, mais alors il faut écrire tout le poème ou au moins un paragraphe important selon ce mètre.Quant à la prose, c'est un autre problème. En écriture euphonique, j'ai opté pour une prose non rythmé, qui s'accorde avec la faible accentuation tonique du français, surtout si on évite les e post-accentuels (e caducs) qui en sont principalement responsables.Il existe peut-être des solutions pour rythmer la prose de manière idoine, je n'ai pas essayé dans ce sens. Ça me paraît compliqué.