Posté(e) 15 mars15 mars comment_191959 Dédié à Thierry Cabot, Poète virtuose, dont les vénérables vers possèdent la rare capacité de m’émouvoir au plus profond de mon être. J’ai bien souvent pleuré. Je pleure encor parfois Dès que le monde a mal, dès que la calme voix De la sagesse est moribonde, Lorsque les pires maux surviennent dans la nuit, Quand pas une lueur d’expectance ne luit Au secret de l’ombre profonde. Je pleure les amis qui ne se parlent plus, La faim de l’affamé, les craintes du reclus Prisonnier des jours de grisaille. Je souffre de leur peine et sens leur désarroi, Leur tremblement de mains et l’affolant effroi Qui, trop vivace, les assaille. Pareillement je plains la perte de l’enfant, Cette biche qui voit mourir son premier faon Beaucoup trop faible pour survivre. Je pleure les souffrants sur leurs falots grabats, Les êtres dont le mal ne se soulage pas Que pas un baume ne délivre. Je pleure cette voix disparue en l’obscur Au-delà — par-delà le Portail et le Mur Des limbes incommensurables. Ô la voix bien-aimée, éteinte, de Maman, Que je n’entendrai plus. Sa douce voix d’antan Qui faisait mes jours adorables. Je pleure les départs et les effacements Des plus clairs souvenirs qu’avaient les fols amants De leurs amours mellifluentes. Le désespoir frappa fort leurs cœurs affadis, Les privant sans retour de l’alme paradis Aux jouissances insolentes. * Je pleure le fugace instant de l’embrassade Fougueuse au sein des nuits où battait la chamade Mon cœur secoué de plaisir, Lorsque ma belle amante infusait à mes lèvres Son balsamique souffle et ses nerveuses fièvres Qui m’électrisaient à mourir. Je pleure le chétif garçon qui fut la proie De regards assassins, avec malsaine joie Décochés pour faire souffrir. Et puis je pleure tant les maux et la torture Qu’un innocent subit, — infâme forfaiture ! — Sans infime espoir d’en sortir. Je pleure le sourire aguichant d’une femme, Allumé, puis défunt, comme meurt une flamme Sous l’assaut du vent véhément. Elle me fait pleurer, cette ressouvenance Puisque s'en est allée avec mon espérance Un bonheur plein d’apaisement. Ils sont nombreux, mes pleurs, et la douleur est vive De les avoir versés. Le jour tombant ravive Des réminiscences sans fin. Je trébuche des fois, mais résiste sans cesse Aux appels de la peur, à sa scélératesse, Pour qu’elle déguerpisse enfin. J’ai tellement pleuré, pleuré les rouges roses Qui se fanent toujours, pleuré les tristes choses Qui mènent toutes à la mort. Mais maintenant, mon Dieu, sans amertume aucune, Je Te rends tous mes pleurs et quitte ma rancune, Ultime étreinte qui m’endort. 14 mars 2025 © Borys de Pozenailles — Texte protégé
Posté(e) 15 mars15 mars comment_191962 Un très beau et très touchant poème ! Oui, il faut se déprendre de tout avant le Grand Voyage, jusqu'à l'ombre de soi-même...
Posté(e) 15 mars15 mars comment_191964 On admire la parfaite prosodie, non sans s’inquiéter de l’état dépressif et de la répétition des pleurs qui inspirent ces vers.
Posté(e) 16 mars16 mars comment_191993 Un poème bouleversant, @Borys de Pozenailles Tous ces pleurs qui égratignent l'âme... Il en est quelques-uns d'heureux. Une telle abnégation en ces mots.
Posté(e) 16 mars16 mars comment_192041 Les pleurs traversent les ruelles, les allées des magasins, les hôpitaux, les tristes vies, certains en rient si forts qu'ils en font un métier, les pleurs sont des rivières sans fond qui font pourtant le fond de commerce de toutes les enseignes et je pleure aussi.