Posté(e) 10 mars Chant d’ortie Première partie Jadis, en Irlande, la vie était particulièrement difficile pour les paysans démunis de tout. Sur la lande battue par les vents, les maisons grelottaient. Les champs d’un magnifique vert émeraude ne parvenaient pas à faire oublier la rudesse du climat. Dans le village de Glennborrow, les habitants parlaient parfois de Chant d’Ortie (ils l’avaient surnommée ainsi) pour s’en moquer, le plus souvent. C’était une jeune fille souriante mais solitaire, affligée d’un handicap cruel : elle était muette. On la soupçonnait de sorcellerie. Certains affirmaient même l’avoir vue danser au clair de Lune avec les créatures magiques. Tout cela était inventé, naturellement, mais la malveillance humaine cherche toujours des proies et cette jeune fille, avec sa différence, constituait la cible idéale. Elle vivait avec son père ou son grand-père, on ne savait, dans une masure à l’extrémité du village. Quand elle allait chercher de l’eau au puits communal, les enfants s’amusaient régulièrement à renverser son seau. Comme la demoiselle ne pouvait crier ou protester, la plaisanterie était sans risque. Chant d’Ortie devait souvent par ailleurs ramasser son père dans le ruisseau, ivre mort, pour le ramener au foyer. Les commères du village ne manquaient pas de lui lancer des piques depuis leur seuil délabré. Un matin de décembre, infiniment malheureuse, Chant d’Ortie décida d’en finir avec la vie. Par un froid glacial, elle rejoignit le torrent tumultueux qui coulait en contrebas du bourg. Au moment où elle allait s’y jeter, elle entendit une voix qui lui intimait l’ordre de cesser immédiatement de se pencher ainsi. Il n’y avait pourtant personne. Elle regarda plus attentivement. Une forme confuse et brillante émergea du silence. C’était une fée ! Cette dernière lui apprit que ses malheurs avaient ému la communauté féerique : il avait été décidé que pendant quarante jours et quarante nuits, elle serait la princesse adulée de son village, elle pourrait parler et chanter autant qu’elle le souhaitait. Après ces mots qui stupéfièrent la jeune fille, la fée disparut. Chant d’Ortie ne savait que penser mais, soudain, la nature se mit à fleurir superbement. Le temps se réchauffa, une brise légère et parfumée souffla sur la contrée. Un printemps magique était advenu ! Un splendide cheval blanc, surgi d’on ne sait où, la rejoignit à pas lents. Elle n’eut qu’à l’enfourcher pour rejoindre, gracieuse, sa maison. Elle constata avec surprise que ses vêtements étaient à présents parcourus de fils d’or. C’est dans cet équipage glorieux qu’elle atteignit le village. À suivre…
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