Posté(e) 7 mars (modifié) Le grand paon de nuit Deuxième partie Je me léchai une patte, songeuse. Ainsi, mon destin semblait désormais fait de métamorphoses diverses et variées. Il me fallait affronter l’adversité… Par chance, je raffolais des chats, j’enviais leur grâce unique dans ma vie antérieure. Ce serait un plaisir. Je partis gaillardement en longeant le sentier. Mes coussinets se posaient en douceur sur le sable fin. J’y voyais comme en plein jour alors que la nuit était particulièrement dense. Que du bonheur ! Je dansais presque d’aise lorsque je me trouvai face à un congénère. Il semblait de bien mauvaise humeur. Il se mit à cracher dans ma direction, apparemment, je ne lui plaisais pas. Les choses s’envenimèrent lorsqu’il me sauta à la gorge. Je dus me battre pour sauver ma vie. Le combat fut sanglant, je n’échappai pas à un coup de griffe mal placé mais par chance, je visai juste et bien, il décampa sans demander son reste. Le paradis des chats s’était transformé en cauchemar. Sartre avait bien raison : « L’enfer, c’est les autres ». Je ruminais ces sombres pensées en me dirigeant à pas lents vers la sortie du parc lorsque mon attention fut attirée par un long hululement pathétique. Une chouette, dans le dernier arbre avant la grille d’entrée ! Je m’y attendais, bizarrement, et je ne fus pas déçue. Je me retrouvai soudain affublée de petites griffes qui me permettaient de m’accrocher à la branche trop fine du grand frêne. Naturellement, lorsque je baissai mes yeux jaunes et globuleux, j’aperçus un félin qui trottinait vers la sortie du jardin. Il ne me gratifia pas d’un regard en retour mais j’avais deviné de qui il s’agissait : mon avatar précédent. Quelle folle nuit je vivais ! Cette ronde des métamorphoses allait-elle se prolonger encore longtemps ? Je n’avais aucune envie de voleter dans le noir à la lueur des lampadaires, je n’avais qu’un désir : Jean-Michel à mes côtés, et puis peut-être aussi mon lit douillet et mon mol oreiller. Quelle stupidité d’envier le règne animal ! Le fardeau de la vie est écrasant, quelle que soit l’apparence que l’on revêt. Il faut s’y résigner. À l’instant où je me faisais ces réflexions, non sans me lisser les plumes, un noir intense se fit brutalement, comme un rideau qui tombe sur une scène fragile. J’eus à peine le temps de m’épouvanter une dernière fois. Je me retrouvai cramponnée à mon oreiller, dans le fond de mon lit, hurlant de terreur. Tout ébouriffé, mon époux me prit dans ses bras et murmura ces mots : « Allons, ma chérie, tu as fait un affreux cauchemar, mais c’est terminé, il faut te rendormir paisiblement, à présent, tout va bien… ». Je suivis son conseil. FIN Modifié 7 mars par Alba
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