Posté(e) 29 janvier (modifié) En me promenant sur les rives du Rhône où le mistral soufflait dans mon sonotone au risque de me rendre sourde à jamais, j'eus la surprise de voir des virgules et des points s'envoler comme des feuilles mortes un jour d'automne dans la forêt. Je me suis assise sur les marches de l'église où quelques pigeons en chemise grise cherchaient des miettes de bêtises (de Cambrai). Un vieux point d'interrogation me sauta sur l'épaule et ça me fit tout drôle ; il me posa plein de questions en espagnol auxquelles je répondis bêtement en remontant mon col « me gusta tu sentido del humor » * Sur ces entrefaites, un point d'exclamation, en habit de fête, vint se joindre à nous ; il était droit comme un i avec un point comme un confetti dissocié de son habit ; il me chatouilla les cuisses comme l'aurait fait Maurice en écrivant son Grévisse et l'intonation monta. Les guillemets, qui ne voulaient pas s'en mêler, se posèrent non loin de nous sur un arbre centenaire qui faisait la moue « c'était mieux avant », dirent-ils en se souvenant des longs dialogues sur la Tamise où il fallait vaincre le fog* pour converser sans voir plus loin que le bout de son nez. Un car de parenthèses vint se garer sur le parvis pour une pause pipi et, déployant leurs prothèses, se dirigèrent vers le food -truck* qui proposait des plats à petit prix (et relativement dégueulasses). Quelques tirets fatigués, aux traits tirés, essayèrent d'isoler des phrases, mais le vent était si fort qu'ils s'éparpillèrent sur la plage. A poings fermés, dormaient les jumeaux dans les parages : les deux points sages qui cherchent à expliquer le pourquoi du comment. Dans le ciel, les points de suspension laissaient entrevoir les ménages à trois qui s'entendent très bien pour laisser en suspens la fin, qu'il conviendra à chacun de compléter selon ses besoins. Ils tombaient comme des mouches sur le sable où des saintes nitouches à l'air coupable semblaient s'être perdues. (J'avoue que j'en ai ramassé tout plein parce que je les aime bien.) Des points virgules comme des bulles flottaient dans l'air, avec leurs petites pancartes invitant à aller au théâtre dans le Marais, voir une pièce de Molière qui disait « c'est une étrange entreprise de faire rire les honnêtes gens ». Il s'est mis à pleuvoir une grosse pluie de virgules ; j'ai enlevé mon pull : en plein soleil, à midi, il fait chaud, les portes de l'église se sont ouvertes et un moine est sorti. Enlevant sa capulle, il m'a dit : « ah, vous aussi, vous venez chercher la ponctuation ? - oui, lui ai-je répondu, j'en suis férue, j'en fais collection ! » Il m'a souri. On s'est trouvés plein de points communs ; on a fait des échanges, c'est ainsi que je me suis retrouvée dans son lit, lui, dans le mien et comme ça m'arrange, je mettrai ici des points de suspension … Un point d'interrogation à l'air étrange a avancé une question. On l'a envoyé avec les pigeons qui roucoulaient des réponses, il n'a qu'à s'en contenter. Je me suis réveillée ; le mistral avait balayé devant ma porte, je ne savais pas l'heure qu'il était, mais la pêche avait été bonne : je savais manier la ponctuation comme personne. Ça m'a donné envie d'écrire, moi qui n'y avais jamais pensé ; il était bien temps ! Sur le cordon dunaire, j'ai emmené mon cahier, mon stylo plume et mon sac de ponctuation indispensable pour rendre une histoire à peu près cohérente en prenant garde que les pigeons n'y déposent leur fiente, ce qui vaudrait le stock complet de points d'exclamation ! … « D'où vient cette inspiration ? me demanda Amanda, mon éditrice, pourtant habituée à mes caprices. - C'est le mistral le coupable : il rend fou ! » Comme je n'avais rien d'autre à lui proposer, elle a fini par accepter et bien lui en prit. La critique fut bonne et non exempte de points d'exclamation ! ! Amanda se frottait les mains et déjà m'interrogeait "à quand le prochain" ? Traduit en plusieurs langues*, "Effets de mistral" eut un succès certain ; j'ai tenu la mienne encore un temps et puis j'ai demandé une augmentation avec des petits points de suspension. J'étais juste assise sur le lido du Jaï*, quelque part sur la lagune, entre Bolmon et l'étang de Berre ... Là où les muses étaient le plus prolifères ! (joailes -) 29 janvier 2025 « me gusta tu sentido del humor » * : en espagnol dans le texte. Signifie : "j'aime ton sens de l'humour". "fog"* : anglicisme brumeux. "food -truck"* : en anglais d'Amérique dans le texte, de quoi manger sur le thumb. "Traduit en plusieurs langues"* : pure invention de ma part, bien entendu. "lido du Jaï" : cordon dunaire situé entre la lagune méditerranéenne du Bolmon et l'étang de Berre, dans les bouches du Rhône, si bavardes ! Modifié 29 janvier par Joailes 1
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