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Posté(e) (modifié)

 

 

 

Derrière le vieux monastère abandonné, je sais une clairière peu fréquentée où il fait bon aller rêver.

Mon petit baluchon sur l'épaule, sans en parler à Pierre ni à Paul, j'y vais savourer silence et solitude.

En été, la pente est un peu rude car il y fait très chaud et l'ombrage du seul arbre présent au beau milieu, guetteur de l'alentour, est souvent occupé par la vache de Matthieu, le meilleur braconnier du pays, sourd et muet qui a fait beaucoup parler. 

En hiver, c'est désert, mais il faut bien que le Chien se dégourdisse les pattes et, contrairement au Chat qui se carapate dès qu'il sent le froid, il aime bien laisser la trace de ses coussinets roses dans la neige.

 

Ce jour-là, le dix-neuf janvier exactement, parée de mes bottes fourrées en laine de mouton, emmitouflée dans ma parka commandée sur un catalogue de l'Alaska, bien décidée à écrire quelques tankas (cinq lignes, en hiver, c'est suffisant, sous peine de geler et, comme les muses sont frileuses, bien peu d'entre elles viennent souffler un peu d'inspiration) je vis en arrivant un homme enveloppé dans un grand tablier devant une toile plus grande que ma salle à manger.

Il peignait des chevaux d'une telle beauté que je dois avouer, j'en restais estomaquée.

Même le Chien s'était arrêté, lui qui se demandait depuis longtemps pourquoi se disputer depuis la nuit des temps l’appellation " meilleur ami de l'homme " avec le cheval. 

D'aucuns diront, lisant ce qui suit, que je devais m'être endormie (mais en plein hiver, dans une clairière c'est vraiment très peu probable) et d'autres mettront cela sur le compte de mon imagination qui, paraît-il, est aussi créative que la poche d'un hippocampe.

J'étais, il est vrai, en totale pâmoison, mais j'ai bien vu l'homme au tablier enfourcher un cheval à cru, et, au grand galop s'enfuir dans la montagne découpée au couteau, suivi aussitôt par tout le troupeau.

En m'approchant alors, je ne vis plus qu'un trou sur le chevalet et le chien courir dans la poussière de cet étrange ballet ; j'eus beau le siffler, il ne m'appartenait plus …

Je reçus une flèche en plein cœur, je n'aurais pas cru qu'il puisse m'abandonner.

Je suis rentrée chez moi, très triste et devant la porte, m'attendait le Chat.

Il m'a pris la main et m'a ramenée dans la clairière, derrière le monastère.

Nous avons sauté tous deux dans le trou de la toile de l'homme qui peignait et c'est là que j'ai su que je n'avais pas rêvé ; ce n'était plus l'hiver, ni même l'été, je me suis sentie très légère et consolée :

le Chien ne m'avait pas abandonnée !

Il était là, souriant, confiant, aux pieds de l'homme au tablier qui faisait rêver et le Chat se mit à ronronner.

Moi aussi.

Et c'est ainsi que j'ai retrouvé mes meilleurs amis, que je n'ai plus jamais eu froid et que je n'ai jamais écrit de tankas.

 

Bon, ok, je me suis réveillée bien au chaud devant la cheminée et l'heure était venue d'écrire ; je pensais à ce peintre dont le pinceau savait emmener en voyage ailleurs, delà une clairière déserte et j'ai essayé de faire comme lui.

Les chevaux sauvages, sans selle, sans éperons courent sur le plafond.

Demain, je change la tapisserie.

J'ai acheté des rouleaux d'océan ; j'écrirai autre chose …

Et pour finir ma prose, je caresse le Chien, admire la pose du Chat ; je me sens bien près du mimosa qui peint de soleil ma cabane en bois.

(joailes -) 19 janvier 2025

Modifié par Joailes
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