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J'ai franchi le mur du songe


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« Être libre !... Je parle tout haut pour que ce beau mot décoloré reprenne sa vie, son vol, son vert reflet d'aile sauvage et de forêt. »

Colette, l'Entrave (1913)

 

 

Le temps, dans sa farandole effrénée, n'a-t-il pas la même allure pour tout le monde ?

J'ai entendu dire « je m'ennuie » plusieurs fois dans ma vie, par des personnes qui avaient pourtant l'air tout à fait normales et n'ai jamais compris comment pouvaient-elles trouver le temps long, n'avoir point de rêves assez grands pour qu'ils occupent tout l'espace ?

L'ennui est mortel mais on peut aller, quand on a des ailes, en Italie, manger de la mortadelle et du salami sur une belle place aux parfums du midi  alors qu'il pleut dehors, qu'on vit dans un taudis.

 

Les yeux fermés, j'ai vécu d'incroyables aventures, avec juste quelques accessoires : sous une couverture, je me fabriquais une tente dans le désert ; je respirais l'odeur du sable et quand ma mère m'appelait pour venir à table, j'étais toujours la dernière, j'étais si loin, il me fallait revenir.

 

Dans le petit jardin de notre maison, pendant les vacances, je grimpais sur un arbre d'où je pouvais voir l'horizon qui n'en finissait pas de reculer, je suivais la course des nuages et je pouvais être aussi bien à Agadir sur une plage, qu'à Blingdempierre, dans les royaumes oubliés.

 

Je redescendais pour goûter, attirée par l'arôme du cacao et des tartines grillées dans la cuisine où la cheminée m'emmenait encore plus loin que le Congo.

Même à l'école, quand la leçon me semblait ennuyeuse, je m'évadais, ne laissant sur ma chaise que mon enveloppe corporelle ; le maître, souvent, disait : mais où est donc encore passée Joëlle ?

Je souriais et, atterrissant avec mon petit avion, je franchissais le mur du songe.

 

Ainsi, j'avais banni le mot ennui et, peut-être, trouvé le secret du temps qui lui aussi s'enfuit sans que l'on sache où il va.

Aurait-on idée de lui poser la question ?

 

Je venais d'arriver à Babylone et un dieu, descendu de son trône, me remit en mains propres une grosse clé.

Tandis que le chien rongeait son os, je venais de faire connaissance avec Chronos.

 

On a sonné à la porte.

C'était les pompiers avec leur calendrier : ils m'ont sortie de mon rêve ; je leur ai demandé si des fois ils s'ennuyaient.

Ils ont ri.

 

La sirène a retenti et me voilà partie avec eux dans la fournaise d'un incendie, la forêt avait pris feu. Quelqu'un qui s'ennuyait, sans doute, qui n'a pas réfléchi.

Il ne fallait pas perdre de temps et à s'élancer ainsi dans la nuit, sans avoir dormi, j'ai pris conscience de l'importance du temps qui fuit.

 

Mon petit avion a encore atterri sur une terre où le soleil était en révolution.

Un jour je dormirai, rêverai-je encore ?

 

J'ai vu le cimetière, à l'aurore, quand les cyprès semblent si loin, et j'ai parlé tout haut en me frottant les mains.

C'est ici que le temps s'arrête, c'est certain.

C'est aujourd'hui, peut-être demain .. ?

 

mais où est donc encore passée Joëlle ?

 

Je suis dans un champ d'immortelles, ébouriffée aux quatre vents.

 

(joailes ---------------) 4 décembre 2024

 

 

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