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L'école des fanes de radis


Joailes

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Aux premiers jours d'automne, voici l'école des fanes de radis qui ouvre ses portes en les fermant car il commence à faire frisquet et que la cheminée du salon entame son règne coruscant.

Les petites ménagères, femmes au foyer proprettes et bien peignées arrivent avec leur tablier enveloppant, elles ont deux heures avant d'aller chercher leurs marmots à l'école. 

C'est Madame Martin qui préside les cours avec l'air sérieux d'un professeur de chant ; si elle sent le poireau et la carotte, ce qui n'est pas très sexy, elle sait faire les compotes mieux que n'importe qui.

La cuisine c'est son domaine , avec une simple romaine, elle en fait tout un plat.

La première semaine est consacrée aux soupes en tous genres, et surtout à économiser, à ne rien jeter.

C'est ainsi qu'elle commença ses cours, en exploitant les fanes de radis que personne dans l'assemblée n'avait osé cuisiner et sa recette fit fureur.

Dans les chaumières, pendant un mois, chacun mangea de la soupe verte au goût amer.

Les époux n'étaient pas très contents et rêvaient d'adultère, surtout Monsieur le maire qui avait un ulcère.

La recette, qu'elle tenait de sa tante Lucette, se vit agrémenter d'une patate douce et chacun se trouva conquis, ne jurant plus que par les fanes de radis qui servaient jadis à nourrir les lapins du pays.

La semaine des quatre jeudis, les cuisinières en herbe savaient comment utiliser les épluchures ; il y eut, au village, trois divorces et un décès dû à l'âge, a-t-on pronostiqué.

Puis l'hiver est venu et l'école fut moins fréquentée, le chemin enneigé avait découragé les petites ménagères ; heureusement, Madame Martin s'était modernisée : pensez !

Avec toutes ses économies elle avait acheté un ordinateur et sur internet elle publiait ses recettes.

Cependant, quand elle arriva aux côtes de blettes marinées aux fanes de carottes, un époux excédé vint lui serrer la glotte et on la retrouva un beau matin devant son énorme cocotte où mijotaient des feuilles de chou comme les pages du journal local qui annonça le soir la fermeture de l'école des fanes.

Les ménagères convinrent dans une interview que, finalement, ces soupes étaient moroses et peu jouissives, et les époux acquiescèrent en montrant leurs gencives ; tout rentra dans l'ordre, et dans le village ça sentait bon la viande grillée, on enterra Madame Martin dans le compost comme elle l'avait souhaité et chacune y alla jeter ses fanes et ses épluchures, oubliant qu'elles avaient été fans de ses cours.

Seul, un séide pleurait dans la cuisine en mâchant la peau d'une aubergine ; c'était Martin junior, nourri exclusivement de germes d'oignons qui, à la cantine, dévorait les os de mouton.

Le seul qu'on n'alla pas chercher à la sortie de l'école, devenu orphelin et adopté par une famille de joyeux gourmets il devint … cuisinier !

On eut beau le cuisiner, il ne révéla jamais ses recettes et sa spécialité c'est les alouettes sans tête.

Quelle histoire, me direz-vous, sans queue ni tête !

Qu'est devenue l'école des fanes de radis ?

Un sanctuaire où les tabliers claquent au vent, aux frimas de l'hiver.


 

(joailes ------------) 25 septembre 2024

 


 

Modifié par Joailes
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