Partager Posté(e) 23 septembre Il était revenu, installé sur le voltaire, à son habitude. « Alors, entama le capitaine en ôtant de la bouche sa pipe électronique., est-ce que vous avez repris la plume ? - Je m’apprêtais à le faire. La métaphore du train, phore de l’existence, laquelle donc est le thème… - Rebattu ! interrompit-il. - Mais elle porte encore, répliquai-je. Me voici dans le convoi et vient le moment où l’on longe les champs, à vitesse réduite, où paissent quelques vaches. - Douteuse originalité ! - Attendez. Je me suis plaint que, durant tout le trajet, je n’ai vu que le reflet des autres voyageurs sur les vitres. Puis, comme ils sont descendus plus tôt que moi, je reste seul et ne vois plus que moi. Et là, enfin - m’animai-je - on me regarde : ce sont les bovins (le train traîne, on a le temps de happer leur regard). Mais Lui… - Lui, dites-vous ? Il opina du chef. Pas encore guéri, ajouta-t-il. - Jamais ! Jamais un regard Jamais une réponse ! Plus j’approche du terminus, moins je Le vois. - Thérèse à Lisieux aurait pu dire exactement la même chose, ricana-t-il. - La nuit tombe, repris-je, mon faciès dans la vitre prend toute la place sous l’éclat de l’ampoule. Seul dans le compartiment ! Le capitaine cracha quelques volutes. - Eh bien, introduisez un coup de théâtre, fit-il. - ??? - Tout à coup, vous vous apercevez, à quelques encablures de votre bon port, que vos yeux (effet du plafonnier ?) sont devenus pers. - Mais… - Car si vous tenez tant que ça au mystère, ne vous limitez pas. Soyez enthousiaste. Laissez la déesse qui voit tout, tel le hibou, entrer en vous. - Ah ? euh… - J’en connais une autre, d’ailleurs, qui ne vous ferait que du bien… - Ah bon, euh oui, mais… - N’êtes-vous pas né un vendredi ? Elle sera votre salut. Je parle de la première, en tous cas, dit-il d’un ton péremptoire. Il me jeta un coup d’œil inquisiteur. - Car je crois qu’à vous plaindre encore de l’aveugle providence (il éclata de rire), vous allez convaincre vos lecteurs que vous y avez cru, gros malin ! Il réfléchit, telle la vitre de mon compartiment, où, donc, je n’étais pas si seul que je le crusse. Sa voix devenait un peu caverneuse. - Votre train sur ses roues, faites-en le train de la raison, mon ami, non le support d’un désir de révélation frustré. (Que voulez-vous que vous révèle Guignol ?) La roue d’un train, ça tourne, ça fonctionne. C’est du rouage. Cela mène quelque part. Le temps d’un voyage. Il fit un mouvement rotatif en pointant l’index sur sa tempe. - Le seul salut, répéta-t-il, ou votre train va dérailler en enfer ! Je crois que j’étais tombé dans une méditation sans fond, le plafonnier avait disparu. Je savais l’ironie de mon interlocuteur, mais cette idée de la roue m’interloquait, quoique je tournasse en rond. - La roue, marmonnai-je (tellement absorbé que je ne vis pas le contrôleur agiter son poinçon). - Celle qui permet le voyage qu’on n’a pas choisi et qui nous dispense du carnaval des anges, ces trapézistes gourds, résonnait la voix. - Le voyage existentiel, ben oui, le karma, j’y suis, m’exclamai-je : la roue de la Loi ! J’eus le temps en un éclair de le voir hausser les épaules : - Quid du rire de Vishnou ? Incorrigible ! » souffla-t-on. Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites Plus d'options de partage...
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