Partager Posté(e) 15 septembre L'erreur Il prit la plume... Quelle erreur, et quelle horreur ! Voilà que l'encre qui sortait de son stylo de communion se mettait à bouillir comme l'eau du thé de cinq heures chez les Anglais. Cette plume démoniaque dont la maîtrise lui échappait se mit à tracer sur le papier des mots incohérents et emplis de fautes d'orthographe. Un discours s'écrivit bientôt à un rythme accéléré, une proclamation digne de la Rome antique dont le style et le phrasé s'amélioraient à chaque ligne. Bientôt, il lui sembla qu'en écrivain chevronné tenait cette même plume. Chateaubriand revenu de l'Autre Monde parlait de contrées éloignées et de voyages en Amérique. Se pouvait-il que son stylo soit devenu le jouet des esprits de l'au-delà ? Oui, c'était cela ! La poétesse Marie de France écrivit un délicieux poème d'amour. Bientôt, ce fut au tour de Napoléon 1er de rédiger un projet d'annexion de la Chine et du Japon dans une guerre audacieuse. Victor Hugo lui succéda. Un nouveau chapitre des Châtiments s'écrivit sous ses yeux. Il pensait rêver, halluciner, cela devenait un cauchemar après avoir été un enchantement. Une course en sac des phrases et des mots ! Les heures passaient, le stylo écrivait tout seul. Son réservoir d'encre était donc inépuisable ? Cela y ressemblait fort. Le sommeil s'imposa bientôt à lui tandis que les lignes par milliers continuaient à se tracer sur le papier. Il sombra dans un profond sommeil, écrasé par la fatigue. Quand il se réveilla, il n'y voyait goutte. Était-il devenu aveugle ? Non, une rare lumière perçait jusqu'à lui, une lumière bleutée, éclairant les parois d'une vaste cave au sein de laquelle il paraissait enfermé. Oui, enfermé comme un rat, mais il n'était pas seul. Il reconnut Chateaubriand à son air romantique, Marie de France à sa robe médiévale, Napoléon 1er à son air grognon, et même le vieil Hugo qui passait par là, l'air affairé et l'oeil vif. Quelle étrange aventure ! Mais où était-il donc ? Une idée horrible parvint jusqu'à sa conscience : il était enfermé au creux même de son stylo, dans le réservoir à encre bleue aux parois de plastique. Écrivain parmi les écrivains, ou les poètes, un parmi d'autres, il était désormais condamné à faire ce que faisaient les autres : écrire, écrire, penser, penser, dire, dire, imaginer, imaginer... Voilà désormais son destin : homme de lettres et de plume, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Il lui fallait se résigner, avait-il le choix ? Il réfléchit et prononça les premiers mots d'une histoire qui lui venait à l'esprit : "Il prit la plume... Quelle erreur, et quelle horreur !" FIN Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites Plus d'options de partage...
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