Aller au contenu

Featured Replies

Posté(e)
comment_174399

Chambord


 


 

Il court

Ses sabots écrasent l’herbe

Libérant ses parfums et ses sucs

Il court

Ses bois arrachent les feuilles

Brisent les branches frêles

Il court

La sueur sur son corps ruisselle

Pique et aveugle ses yeux injectés

Il court

Sa peau griffées par les ronces

Se colore d’un sang rouge sombre

Il court

A ses lèvres l’écume mousseuse s’étend

Blanche, elle s’échappe, le long du cou

Il court

Dans sa poitrine, son cœur enfle

Il bat de plus en plus vite, de plus en plus fort

Il court.

Trois fois déjà il a dû faire face

Acculé par les chiens de la meute

Il court

Trois fois ses bois acérés

Ont troué la gorge d’un chien

Il court

Avec dans les oreilles le bruit du vent

Les appels répétés et sourds de la trompe

Il court


 

Une fois encore les abois se rapprochent

Une fois encore, d’un bond, il franchit le ruisseau

Il court

Son galop devient lourd aux jarrets

Que les mâchoires des chiens ont tenté de briser

Il court

Son ventre lacéré porte le même rouge

Que les vestes sanglantes des cavaliers

Le même rouge sanglant des hardis poursuivants

Il court

Et devant lui, salvateur, le lac

Où il plonge pour perdre les chiens.


 

Déjà la meute est là, à ses jambes s’accroche

Les chiens tirent l’arrière

Sa postérieure meurtrie

Bloquent son élan.

Il tentes une ruade, une dernière volte furieuse

Encore une fois faire face

Encore une fois lutter

Et dans sa gorge il sent

Que s’enfoncent des crocs


 

Un appel de la trompe, la meute se retire, assoiffée de sang

Eux sont là, montés sur leurs chevaux

Avec leurs vestes rouges

Riant, s’appelant, cornant, ils lèvent leurs fusils

Et dix coups de feu claquent

Dans l’eau devenue sang, le cerf s’est affaissé.


 

On a tiré de l’eau son corps, pitoyable cadavre

Et découpé ses membres pour en faire des cuissots

Sa tête deviendra un poussiéreux trophée

Ornant le mur crépi d’un pavillon de chasse

Sur la grève, les chiens se ruent à la curée

Dévorant ses entrailles de leurs mufles de sang

Tripes éparpillées, viscères fumantes

A l’ombre du blanc château

Ainsi mourût Bambi.

Posté(e)
  • Semeur d’échos
comment_174401

Un poème intense et touchant !

Posté(e)
comment_174426

La cruauté de la chasse à courre est rendue encore plus terrible par vos vers.

Posté(e)
comment_174433

Ces crimes sont la dégaine des puissants, les meutes sont féales, la ruine des château sera notre patrimoine historique !

La progression créée dans le texte est haletante, bien joué @Julien Ertveld

Posté(e)
  • Auteur
comment_174499
Il y a 19 heures, Eathanor a écrit :

Impossible de ne pas penser à ce titre (et c'est plutôt un compliment)

 

Merci de la comparaison très flatteuse, mais j'ai également un texte sur la corrida  aussi critique sur la pratique de la mise à mort. prochaine publication éventuelle.

Posté(e)
  • Semeur d’échos
comment_174540

La chasse à courre décrite ici magistralement est la survivance « aristocratique » d’un passé cruel où l’on faisait peu de cas de la souffrance animale, et au-delà de la souffrance humaine.

Posté(e)
  • Semeur d’échos
comment_174556

Même les Anglais ne "courrent" plus. La conscience de la cruauté l'a emporté sur l'obsession de la tradition. La France sur ce point brille par l'empressement de ses politocards à renoncer à toute moralisation de la chasse. Un renoncement écœurant jusqu'à la honte. Voilà un texte qui vise et touche... ceux qui le méritent!

Posté(e)
comment_174675

Les vers soutiennent la respiration haletante de la proie à laquelle on s'attache très vite dans votre poème. J'ai dû me forcer pour lire jusqu'au bout !

  • 2 mois plus tard...
Posté(e)
comment_180002

Bonjour @Julien Ertveld

Merci pour votre poème qui décrit parfaitement l'ambiance des chasses à courre : les efforts et la panique de la proie acculée, le plaisir barbare et sanglant des chasseurs. 

La répétition du "refrain" rythme le texte, le martèle. Bravo