Posté(e) 18 juillet 202418 juil. comment_174399 Chambord Il court Ses sabots écrasent l’herbe Libérant ses parfums et ses sucs Il court Ses bois arrachent les feuilles Brisent les branches frêles Il court La sueur sur son corps ruisselle Pique et aveugle ses yeux injectés Il court Sa peau griffées par les ronces Se colore d’un sang rouge sombre Il court A ses lèvres l’écume mousseuse s’étend Blanche, elle s’échappe, le long du cou Il court Dans sa poitrine, son cœur enfle Il bat de plus en plus vite, de plus en plus fort Il court. Trois fois déjà il a dû faire face Acculé par les chiens de la meute Il court Trois fois ses bois acérés Ont troué la gorge d’un chien Il court Avec dans les oreilles le bruit du vent Les appels répétés et sourds de la trompe Il court Une fois encore les abois se rapprochent Une fois encore, d’un bond, il franchit le ruisseau Il court Son galop devient lourd aux jarrets Que les mâchoires des chiens ont tenté de briser Il court Son ventre lacéré porte le même rouge Que les vestes sanglantes des cavaliers Le même rouge sanglant des hardis poursuivants Il court Et devant lui, salvateur, le lac Où il plonge pour perdre les chiens. Déjà la meute est là, à ses jambes s’accroche Les chiens tirent l’arrière Sa postérieure meurtrie Bloquent son élan. Il tentes une ruade, une dernière volte furieuse Encore une fois faire face Encore une fois lutter Et dans sa gorge il sent Que s’enfoncent des crocs Un appel de la trompe, la meute se retire, assoiffée de sang Eux sont là, montés sur leurs chevaux Avec leurs vestes rouges Riant, s’appelant, cornant, ils lèvent leurs fusils Et dix coups de feu claquent Dans l’eau devenue sang, le cerf s’est affaissé. On a tiré de l’eau son corps, pitoyable cadavre Et découpé ses membres pour en faire des cuissots Sa tête deviendra un poussiéreux trophée Ornant le mur crépi d’un pavillon de chasse Sur la grève, les chiens se ruent à la curée Dévorant ses entrailles de leurs mufles de sang Tripes éparpillées, viscères fumantes A l’ombre du blanc château Ainsi mourût Bambi.
Posté(e) 18 juillet 202418 juil. Administrateur comment_174402 Impossible de ne pas penser à ce titre (et c'est plutôt un compliment)
Posté(e) 18 juillet 202418 juil. comment_174426 La cruauté de la chasse à courre est rendue encore plus terrible par vos vers.
Posté(e) 18 juillet 202418 juil. comment_174433 Ces crimes sont la dégaine des puissants, les meutes sont féales, la ruine des château sera notre patrimoine historique ! La progression créée dans le texte est haletante, bien joué @Julien Ertveld
Posté(e) 19 juillet 202419 juil. Auteur comment_174499 Il y a 19 heures, Eathanor a écrit : Impossible de ne pas penser à ce titre (et c'est plutôt un compliment) Merci de la comparaison très flatteuse, mais j'ai également un texte sur la corrida aussi critique sur la pratique de la mise à mort. prochaine publication éventuelle.
Posté(e) 19 juillet 202419 juil. Semeur d’échos comment_174540 La chasse à courre décrite ici magistralement est la survivance « aristocratique » d’un passé cruel où l’on faisait peu de cas de la souffrance animale, et au-delà de la souffrance humaine.
Posté(e) 19 juillet 202419 juil. Semeur d’échos comment_174556 Même les Anglais ne "courrent" plus. La conscience de la cruauté l'a emporté sur l'obsession de la tradition. La France sur ce point brille par l'empressement de ses politocards à renoncer à toute moralisation de la chasse. Un renoncement écœurant jusqu'à la honte. Voilà un texte qui vise et touche... ceux qui le méritent!
Posté(e) 22 juillet 202422 juil. comment_174675 Les vers soutiennent la respiration haletante de la proie à laquelle on s'attache très vite dans votre poème. J'ai dû me forcer pour lire jusqu'au bout !
Posté(e) 27 septembre 202427 sept. comment_180002 Bonjour @Julien Ertveld Merci pour votre poème qui décrit parfaitement l'ambiance des chasses à courre : les efforts et la panique de la proie acculée, le plaisir barbare et sanglant des chasseurs. La répétition du "refrain" rythme le texte, le martèle. Bravo