Posté(e) 12 juillet C'était une de ces nuits chaudes où l'on peut, d'une chiquenaude, renvoyer un Claude qui s'incruste parfois. J'explique : Claude est un ami de très longue date, que j'ai connu sur les bancs de la fac et qui n'a pas changé depuis. C'est un marginal, champion des annotations dans la marge des profs qui corrigeaient avec difficulté ses dissertations ; toujours un peu ahuri qui adore les pieds de porc -je n'y peux rien, c'est ainsi- et petit à petit, il s'est fondu dans le décor de ma vie. Même que des fois, j'oublie qu'il est là, tant il ne fait pas de bruit. Alors que je cherche l'inspiration dans tous les recoins de mon cervelet, en scrutant l'alentour, je m'aperçois qu'il est là et l'envoie se coucher avant qu'il ne commence à ronfler. Les moines en robe safran défilent sur l'horizon, comme une prolongation du coucher de soleil et une paix intense s'empare de moi. Entre deux processions, je cuisine une paëlla pour parfumer la pauvre cabane qui prend des allures de palais et pense aussitôt à ma cousine Hortense, bouddhiste convaincue qui racontait parfois ses souvenirs du Cambodge, pour peu qu'on lui offrit un teukolok bien dilué dans le choum-choum. C'est l'heure que je préfère, entre paradis et enfer quand le chien et le loup se livrent une bataille sans merci. Le chat sur les genoux, les touches du clavier semblent me narguer. Quelles lettres vas-tu frapper semblent elles me dire, me préparant au pire. Je ne le sais pas moi-même, réponds-je ; comme il fait décidément très chaud, je m'éponge ah si Bob était là ! Bob joue du piano et a ce pouvoir étrange de m'emmener là où je ne suis pas, juste en claquant des doigts. Il arrive toujours chez moi à l'improviste, sur sa Yamaha, et ces soirs là, je sais que l'inspiration ne me quittera pas. Mais ce soir je suis seule et la grande gueule de la nuit semble vouloir m'engloutir. Qu'écrire en cuisinant ? Le chat, d'un bond, quitte mes genoux et attrape ma souris réticente ; je suis sur la mauvaise pente, je mélange tout. Il feule, le filou. J'éteins tout sauf les éventails automatiques dont les pales s'excitent autour du lit. Je vais rejoindre Claude qui ronronne dans son pyjama en pilou que je lui enlève délicatement. Allez, ce soir soyons fous, lui dis-je à l'oreille en me mettant à genoux et quand il se réveille, il a des pupilles de matou. Alors je deviens chatte et lui mordille doucement le cou. Je n'écrirai rien ce soir, par pudeur, je n'oserai pas ; mais cette histoire en pleine chaleur, a quand même été racontée … Par qui ? Qui en est l'auteur ? Claude, un moine, Hortense, le chat .. ? Un souffle venu de l'au-delà .. ? (joailes --------) 12 juillet 2024
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