~ Les commentaires sur les sujets sont uniquement visibles des membres de notre communauté ~
Rechercher dans
  • Plus d’options…
Rechercher les résultats qui contiennent…
Rechercher les résultats dans…

Doit contenir au moins 3 caractères.

Aller au contenu

Une pensée à creuser


Natacha Félix

Messages recommandés

Il faudrait rassembler tous les creux,

les trop fiers, les blessés, les insatisfaits, les honteux. 

Les muer en atomes de néant, former une fosse en les agençant,

un grand trou noir dont la spirale non arbitrale servirait de dévidoir. 

Les rabattre pour renoncer, afin de pouvoir s’énoncer.

Jeter peu à peu tout ce que l’on veut et disposer alors en partie de son sort. 

 

Faire le ménage de tout ce qui traîne sur nos pages et nous gêne

nous éviterait de trébucher sans arrêt sur des mots dérangés, 

qu’on avait crus dans le placard, mais qui comme par hasard 

se trouvent sur notre chemin quand on s’y attend le moins.

 

On devrait savoir se domestiquer juste un tantinet, 

assez pour que chaque soir, dans ce dépotoir et son vide intergalactique, 

on fasse s’évaporer, d’un coup de baguette magique, 

le mal compris de la journée.

 

Cela nous permettrait peut-être d’agencer notre être,

de laisser notre chair y voir clair, notre language faire son tapage,

d’être sentient sans être patient, témoin sans être pantin.

 

Un jour ça m’a pris, j’ai entrepris d’essuyer davantage, 

me disant qu’à mon âge il était grand temps que je devienne finalement une fée du logis.

Ma vie étant remplie, j’ai embrassé le béant et presque tout jeté, sans pitié, un nettoyage de printemps.

Je suis parvenue à leur mettre la main dessus, à tous ces creux, nouveaux et vieux.

 

Oui mais voilà, ils sont coriaces. Ils laissent des traces.

Et puis à peine le ménage terminé, il faut recommencer.

Alors j’abandonne. Je ne suis pas la bonne.

 

_________

Écrit pour le jeu "Qui a écrit quoi" 64, dont le thème était 

"Il ne me faudrait qu’un seul mot parfois, un simple petit mot sans importance, pour être grand, pour parler sur le ton des prophètes, un mot témoin, un mot précis, un mot subtil, un mot bien macéré dans mes moelles, sorti de moi, qui se tiendrait à l’extrême bout de mon être."

Antonin Artaud, in L’Ombilic des Limbes suivi de Pèse-nerfs et autres textes, Poésies Gallimard, p. 94

Lien vers le commentaire
Partager sur d’autres sites

×
×
  • Créer...