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Mer d'encre


Thy Jeanin

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                             Nom d’un petit bonhomme, qu’est-ce que je pourrais bien écrire sur la page blanche où je tourne en rond comme dans un champ de neige (il fait froid en plus) s’inscrit la trace du passant disparu bien qu’on puisse être soi-même ce passant qui va l’amble et fait la preuve qu’il existe bel et bien puisqu’il marque le monde de sa présence, mais cela va s’arrêter car mon éditeur m’a dit un jour – il y avait un blanc dans notre conversation, il y a inséré ce brillant et effrayant adage : « l’écriture c’est la vie », ce qu’entendant et méditant, m’a amené à conclure et à retarder le plus possible la fin de ma phrase, à ne plus conclure, donc, et depuis je ne m’arrête plus d’écrire, un point final et c’est la mort, poursuivons ce chemin de croix, oui croiser des bâtons et des boucles, c’est cela, ensemencer la page, matrice du sens, allons, il ne faut pas que ça s’arrête, sauf à ma dernière heure, quand le calame me tombera des doigts, j’en tremble rien que d’y penser, sans doute ai-je tort, mais ce n’est pas le tout, pour dire la vérité, je me suis engagé dans l’idiote gageure que je serais capable de construire une phrase plus longue que la plus longue écrite par Proust, la mienne est surtout plus dure à lire car il n’y a presque pas de ponctuation – sorte de syntaxe apocalyptique – et je vous imagine déjà faire la grimace, indigne lecteur, on se fatigue pour vous quand même, vous pourriez en tenir compte et faire montre de quelque indulgence,  – non, ne répliquez pas ou ma phrase risque de se rompre tel un château de cartes dans lequel n’est aucun atout, songez que j’aurais pu glisser un zeugme :  « faire montre en main » qui aurait vilainement court-circuité votre entendement, mais je ne suis pas si cruel et d’ailleurs, d’ici que j’arrive au bout j’aurai, que dis-je : j’ai déjà perdu le fil, je dois dire que je n’en sais plus la teneur initiale, ma plume est vidée de son encre et va mourir d’inanition, preuve que toute chose est condamnée à la finitude et même l’inspiration va et vient

 

En ouvrant les yeux, je rencontrai le regard courroucé du capitaine.

 

- Allons bon, gamin ! dit-il. Vous voilà de nouveau sur le plancher des vaches ?

- Que m’est-il arrivé, encore ?

- Vous avez failli vous noyer dans votre propre phrase où vous pérîtes asphyxié sans mon opération de sauvetage.

- Plaisanterie de potache, cap’ ! Ne m’en veuillez pas.

- Les mots sont lises, les phrases maelström, la syntaxe emplie de Sargasses. Guettez la météo et ses avis de tempête : la page la plus lisse peut être une franche catastrophe. Méfiance !

- Dans ces cas-là ?

- Remontez le filet de crainte que vous n’y ayez emmailloté quelque trop jolie sirène et tâchez à trouver le vent.

 

 

 

 

Modifié par Thy Jeanin
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