Partager Posté(e) 15 mars (modifié) Penché à la fenêtre, je me rêvais en Ouganda, quand un bon ange m’est apparu. Il sonnait à ma porte, complet trois pièces, cravaté de choc, le soulier ciré, l’oreille bien dégagée, charmeur au possible – VRP de quoi, de qui ? « Mon frère, clamait-il, viens à l’assemblée chanter le be-bop et jouer à saute-mouton ! - Je ne suis pas Panurge ! répondis-je. - Oui oui, ça urge ! fit-il semblant de ne pas comprendre. J’ai parcouru la terre pour venir te donner l’accolade et sais-tu ? Je l’ai trouvée plate aux quatre coins de l’immonde ! Mon frère, je viens pour témoigner. - Témoin de quoi ? Jéhovah pas, plaisantai-je. Et de réciter son codex : - On nous ment-ment-ment ! Mon frère, j’ai parcouru ce qui a été bâti par une volonté très supérieure à la mienne, à la tienne, à la nôtre. Baise ses mains, frère, et joins les tiennes. - Dis-moi ce que tu adores… Il ouvrit de larges mains, les propulsa dans la verticalité des choses. - Là-haut, frère, dans le fond du ciel ! Machinalement, je levai le nez : barbe de nuages dans une face d’azur. - Barbe-Bleue ? dis-je. - Ce n’est pas un conte, frère. - Et que vois-tu venir ? m’amusai-je. - Mon frère, il est venu, le temps de la vérité. - La vérité, tu la connais ? - Mon frère, tout ce qu’on t’a dit est fausseté. - La planète Terre ? - Elle est au milieu de l’univers créé, frère. Sept journées, pas plus, frère. - Nos ancêtres hominidés ? - Adam marchait déjà parmi les dinosaures, frère. - Ils n’ont pas disparu, à te voir ! Le dérèglement climatique ? - Ne les écoute pas, frère ! Il sait ce qu’Il fait. - Rôtir les gens, par exemple, ici comme en enfer ! Il se démanchait le cou : - Vi vi, ne t’inquiète pas, mon frère, c’est climatisé là-haut. Il reprit sa transe : - Ecoute, frère. Je reviens de la Ville sainte… - Ce nid de scorpions ? A ce jour, dis-moi : qui est en train d’égorger qui ? - Frère, écoute : travaille, prends femme, croîs et crois. J’observai avec l’œil du renard cet être guindé de noir. - Prendre femme ? - Elle a été créée pour ton repos, mon frère. Ce fut parole de trop. Exaspéré, je m’oubliai : - Et mon c., dis donc ! Il fit un bond : - Frère, tu n’es pas sérieux ? C’est Sodome et Comores, ta vie ? - Je vois que tu as parcouru les plus belles latitudes de la gaste création. Je jouais de l’index pour ligner l’antique trajet du soleil. - Dis-moi, auras-tu salué frère Soleil, comme le fit Frère François ? - Frère, ne crois pas les mensonges, te dis-je. Ne crois pas les hérétiques, ne crois pas les satanés scientifiques. Le soleil, c’est juste la chandelle et l’âtre, promenés gratis autour de toi. Tu te rends compte ? Pour toi, pour te chauffer et t’éclairer le cœur, frère ! Tout ce disant, l’ange s’auréolait d’un sourire à dentifrice. Il sautillait comme l’oiseau et pour un peu se mît à danser. Comme je ne disais plus rien, peinant à étouffer mon rire, il reprit : - Frère, où est ton Eve ? Où sont tes enfants ? Nous avons la bonne parole pour eux aussi. Ce « nous » impliquait des comparses, je sentis l’affaire possiblement tourner vilain. Je voulus donc tourner court : - ‘A pas, improvisai-je. Tu l’as dit tout à l’heure… Il se mit à pousser des cris en reculant : - Satan sodomite ! Toi, attends : on reviendra pour ta condamnation à mort ! » J’étais bien en Ouganda. Modifié 15 mars par Thy Jeanin Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites Plus d'options de partage...
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