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Bâton de pluie et autres jeux de société


Joailes

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Le jeudi après-midi,  j'allais chez oncle Henri et tante Elodie, deux cas de figures absolument géniaux dont ne parlent pas les journaux, même les moins abrutis.

Autant dire que j'y allais avec joie et quand je pouvais dormir chez eux, j'atteignais le graal ; je n'avais que trois collines à franchir et même si mon cartable en peau de vache était lourd, je ne rechignais pas, de peur d' être privée d'amour, peut-être définitivement.

J'emportais avec moi ma panoplie de détective, celle de l'explorateur et quelques ustensiles , ayant abandonné livres et cahiers dans un casier grand ouvert au fin fond d'un internat ; dans leur mas immense caché sous des bouquets d'acacias, il y avait toujours des coins mystérieux et encore inexplorés.

D'ailleurs, si j'avais pu, j'aurais quitté l'école pour apprendre chez eux des choses bien plus intéressantes que la bataille d'Arcole ou la date de la bataille de Marignan, la seule que j'ai retenue mais qui ne me servira plus, sauf, éventuellement, un soir de "trivial pursuit" , si j'ai la chance de tomber sur la question.

Oncle Henri avait un gros bâton de pluie auquel il semblait tenir comme aux prunelles de son jardin sauvage, et cet objet me fascinait ; mais je n'osais y toucher, il était posé dans l'entrée comme nonchalamment, comme on aurait déposé un parapluie ou une canne après un festival de mauvais temps, sur un petit bout de moquette rouge qui absorbe les larmes.

Je l'avais dessiné plusieurs fois sous toutes les coutures tandis que tante Elodie mettait une tarte au four, qui, en cuisant lentement, vous donnait envie d'avoir dix mille trous de nez et cinquante bouches ; tout en reprisant des chaussettes ;  quand celles-ci n'étaient pas trouées, elle tricotait d'improbables écharpes qui me faisaient penser à des cerfs-volants et à la très vieille tante Hélène qui s'était envolée en mars dernier. -nul ne s'en souvient, pourtant j'en ai déjà parlé -


 

Il m'en a fallu du temps et des jours d'école, pour qu'enfin, lors d'un 'hiver particulièrement rude, je fus coincée chez eux plusieurs jours.

Le matin du sixième jour -ah, je m'en souviens comme si c'était hier- oncle Henri m'a tendu son bâton de pluie.

Je m'en suis saisie comme d'un sceptre et vous ne me croirez pas, peut-être, mais je n'ai plus osé bouger, la fenêtre était ouverte et le ciel était d'un bleu à faire mal aux yeux.

L'oncle a quitté la pièce, refermant la porte derrière lui.

Alors, le roseau a craché sa musique, douce d'abord, comme la naissance des pâquerettes et l'éveil des pissenlits ; il suffisait de fermer les yeux et d'écouter les premières gouttes de pluie, de respirer l'haleine de la neige qui fond, se sentir tout petit mais aussi fort que le Tlaloc, le ruisselant …

J'ai agité le bâton dans tous les sens, à ma façon.

Et j'ai ouvert la porte, la baie vitrée ; dans le couloir j'entendais ronfler oncle Henri et tante Elodie qui avaient survécu à bien des tempêtes … l'hiver était fini.

J'ai dû rentrer chez moi, retourner à l'école , et j'ai pleuré longtemps comme un bâton de pluie dans le creux d'un roseau sans nul écho ; j'ai cru avoir rêvé mais il était trop tard je vendais des parapluies gare Saint-Lazare et je jouais au Monopoly mieux qu'une star, l'air de rien, privée de tout, mais surtout de l'oncle Henri et de tante Elodie qui m'ont donné leur folie et ce bâton de pluie qui s'agite et ouvre l'écluse … les souvenirs fusent et le temps passe !

Quel drôle de réveil devant la glace !

Oncle Henri et tante Elodie jouaient aux mille bornes mieux que personne, j'avais dépassé les licornes, il pleuvait encore et les escargots sortaient leurs cornes.

Bah ... c'était juste un jour de pluie et de mélancolie. 

(joailes -------) 12 mars 2024


 

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