Posté(e) 23 février L'amour est un bouquet de violettes, de roses, de cœurs entrelacés, de toiles d'araignées et de parfums exacerbés. Pour la Saint Amour, Gunther a eu tout faux, il avait acheté un munster et ça puait dans son frigo ; Esther n'a pas tenu le choc, elle était romantique jusqu'au bout de son soutien-gorge multicoques ; elle alla se plaindre au bureau des rencontres pour se faire rembourser mais elle n'eut pas gain de cause car les odeurs n'entrent pas encore dans les critères de recherche, pourtant c'est important et si cette leçon vaut bien un fromage, sans doute, sachez que Gunther préfère le Munster et que Esther poursuit sa route. A la deuxième tentative, tout se passa différemment, pourtant avec les mêmes ingrédients. Gunther avait, cette fois-ci, choisi un Saint-Nectaire du meilleur acabit et l'avait mis sous cloche, ainsi qu'un gros morceau dans sa poche. Quand il rencontra Sally il s'aperçut bien vite qu'elle avait elle aussi une passion immodérée pour le fromage et que si son ramage se rapportait à son plumage, elle serait bien vite l'hôte de son lit. Mais voilà, des fois, dans la vie, tout ne se passe pas comme le Grand Marabout l'avait prédit. Lorsqu'elle arriva chez lui avec son panier plein de fouillis, ce fut lui qui fut incommodé par les relents de son catogan où un camembert coulant avait laissé des traces. Sally était sans gêne et lorsqu'elle s'affala sur son sofa en croquant ses noix de Pécan, il fut un peu déçu ; que dis-je, même plus. Gunther ne savait plus trop que faire quand soudain eurêka, une bonne idée l'effleura. Prétextant une envie subite, il alla au cagibi où s'entassaient nombre bocaux. Il choisit le n° 44, celui avec l'étiquette « Briser le verre en cas d'incendie » Sûr de son affaire, il revint au salon où Sally dégustait son Saint-Nectaire, suivi par une famille d'araignées libérée et prête à se faire une petite toile pour dégourdir leurs pattes velues. « Oh, dear comment saviez-vous .. ? dit-elle en agitant son flacon d'huile essentielle dont il reconnut, au passage, l'odeur. Un bon Buronnier de l'Aubrac à pâte pressée. Je suis arachnologue, c'est merveilleux ! Oh, my love, quel bonheur ! » A ce stade de l'histoire, à vous d'imaginer la tête la plus jaculatoire de ce pauvre Gunther qui dut s'asseoir pour reprendre ses esprits. Une araignée, une seule, comme quoi on a souvent qu'un seul ami, vint au secours du héros anéanti. C'était une veuve noire qui avait connu bien des déboires dans sa vie amoureuse elle aussi ; elle déversa son sablier rouge sur la pauvre Sally. Tandis que celle-ci mangeait ses pissenlits par la racine, Gunther remit tout en place et, de soulagement, finit la mimolette et prépara une raclette. On ne sait jamais, se dit-il en avalant un gros morceau de bleu fermier. Ici, l'écrivain aurait pu conclure en disant que son histoire valait bien un fromage, tout en promettant qu'on ne l'y prendrait plus. Eh bien non ! il avait encore du temps devant lui, les nuits sont longues en janvier. Gunther n'avait pas conclu, mais comme il était bonne pâte, il n'alla pas se plaindre au bureau des rencontres, cherchant encore celle qui battrait le record. Il en connut d'autres, jusqu'à la finale avec laquelle il est encore, je crois, aujourd'hui. Elle était morte bêtement, après un lâcher de cloportes ; mais têtue et opiniâtre, elle ne quitta plus le bellâtre et revint chaque fois avec son baluchon empli de Reblochon. Gunther épousa donc Tomyère, elle sentait la bruyère et était tyrophobe. C'était en l'an 1 avant Jésus Christ ; il reste très peu d'écrits sur cette histoire, on dit que Gunther s'appelait en fait Julien et que toutes ses rencontres s'appelaient Grégoire, qu'ils mangeaient du Saint Marcellin mais qui sait, au fond ? L'amour est un bouquet de violettes, de roses, de cœurs entrelacés, de toiles d'araignées et de parfums exacerbés ; il emprunte tant de chemins que nul ne peut imaginer et la main de l'écrivain peint des bougainvillées pour raconter que tout peut être bleu même en mangeant une tomme à pâte noire. Il y a toujours sur cette terre, plus fort que le Roquefort ; et comme spécifié au début, l'Amour sacré sémaphore, pas petite amourette de pacotille, pas annonce où l'on échange ses billes en trichant … Juste l'Amour qui vient sans qu'on n'y puisse rien. L'écrivain, certes las mais jamais blasé, raconte parfois les parfums qu'il a respirés mais s'il est poète, en plus, il met dans son encre quelques gouttes de calisson cendré, une pointe de délices à la fleur de sel … Il ne va pas en faire tout un fromage, il a noirci quelques pages, voici la nuit dans son sillage ; il y a tant d'étoiles enfuies et puis la lune apparaît et une brise parfumée chuchote que l'hiver est terminé … Il sèche sa plume, visse son encrier. Il a effacé par trois fois la fin et en mangeant son Saint-Marcellin il pense encore à d'autres choses qu'il pourrait écrire, il remet à demain … Il scanne, et envoie d'un clic décidé ce qu'il a écrit à son éditeur. Dans sa cellule il fait froid, il enfile son pull et regarde à travers les barreaux les vaches et les chèvres, respire leur parfum et puis voilà, tout s'achève. Cette histoire vaut bien un fromage, sans doute. ... Enfin, je crois ... (joailes ------ 23 février 2024) 1
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