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Compère Larouihouste (2/2)


Thy Jeanin

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Hôpital Moncochon du Motel-Dieu

 

                Je tiens à préciser à nos très aimables et patients lecteurs que je suis, après une pénible convalescence, en état de mettre derechef à leur disposition mon insigne talent pour leur rapporter la suite des aventures du très-détestable compère Larouihouste. Toutes plaies pansées, le plume m’est redevenue familière. Quant à notre personnage, je l’ai fait jeter en prison dans le but que ne le reprenne plus la sotte envie de nuire par ses piteuses pirouettes intra-narratives à un récit dont il est toutefois le héros, ou l’anti-héros. Voilà bien la fate ingratitude des ces êtres de papier auxquels nous autres vaillants écrivailleurs nous nous évertuons à souffler une âme damnée !

 

Nous disions donc que compère Larouihouste, piètre citoyen du bout du monde, ce qui, en breton, se dit pen ar bed, était entré en conflit ouvert et armé avec l’honorable et mal honoré Onufle Turlupette, chef d’Etat de l’outre-Atlantique Patatalagonie, peuplée pour l’essentiel de palmipèdes oléagineux à plumes chaudes. Et la mienne au vrai l’est passablement itou. Du reste, je ne sais pourquoi je parlais naguère d’érotomanie, comme si ce vice pût avoir cours en un pays où le président et lui étaient les seules âmes qui vécussent, à moins de considérer que les manchots eussent une âme, ce que pour ma part je suis tout prêt à reconnaître, par solidarité plumiforme. A voir les mœurs de ces charmants oiseaux, j’irai même jusqu’à leur supputer, sauf votre respect, un quotient intellectuel autrement élevé que ceux de nos deux homines soi-disant sapientes. Mais mon titre d’écrivain risque d’en souffrir, attendu que je n’ai nullement préparé mon lecteur aux aventures d’un quelconque animal autre qu’humain. Il faut en outre demeurer méfiant quand nous vivons dans des temps où le préjugé humaniste subsiste avec rage. Tout compte fait, les mœurs sexuelles de la Patatalagonie se restreignaient à fort peu de chose. Et je vous laisse libre d’imaginer ce que vous voudrez quant à la nature des relations qui pouvaient exister entre le président et son citoyen.

 

Or donc, compère Larouihouste fut, quelques temps après ladite humiliation publique du président, par celui-ci reçu à bras ouverts, non que des bras raccourcis soient nécessairement ouverts pour parvenir à toutes fins utiles, ce que l’on peut présumer justement, mais justement non : le président ne voulait que lui pardonner de l’avoir fait rire aux larmes, en lui faisant la farce que voici que je vous raconte ça un peu.

 

Pour se venger d’avoir été traité en lapin, Larouihouste eut tôt fait de commettre un de ses odieux forfaits la nuit même, ou du moins le voulut-il. Savoir : pénétrant par la cheminée du logis troglodytique du sieur Turlupette, il déposa au pied de son lit, avec d’infinies précautions pour ne pas l’éveiller, ce qui était aisé, chacun s’accordant à ne le point trouver tel, quelques tas de rondes crottes assez considérables, par ma foi, Larouihouste, bon vivant, ne lésinant pas sur la mangeaille, mais très semblables par leur rotondité même à celles que laissent communément lesdites petites bêtes derrière elles. Puis il était ressorti par le même chemin que par devant. Alors, muni de parpaings, d’une truelle et d’un seau de plâtre, il avait sans lésiner muré portes et fenêtres de la présidentielle résidence. Or, ce à quoi n’avait pas assez songé le compère, c’est qu’il est fort malaisé de cimenter un igloo. On se persuadera vite, en y réfléchissant, que les deux matériaux que sont la glace et le plâtre n’ont de compatibilité solide qu’autant que la première ne fond pas. CQFD : ce qui fond disparaît. Et c’est cela qu’il arriva voyez-vous ça. Au matin, le président rit très fort en constatant que son compère méritait tout particulièrement sa première syllabe. Seuls subsistaient les grossiers panneaux par lesquels Larouihouste avait cru pouvoir l’emprisonner. Turlupette retentit en trompette d’un rire strident et jovial, ce qui ébranla tant ses bronches transies par la nuit découverte, qu’il en mourut le soir même. Il eut néanmoins le temps, dans le cours du jour, de nommer officiellement et non moins cérémoniaisement le compère Larouihouste ministre d’Etat de l’Hilarité publique et privée...

 

Pardon, cher lecteur : mon téléphone sonne.

 

(Comment ? Vous dites ? Il est en fuite ?

Et voici que l’on frappe à ma porte, à présent ! Aurai-je jamais le temps de venir à bout de ce récit ?

Diable de Dieu ! Vous ! Compère Laroui... Ouste ! Décampez ! Je ne saurai subir un tel outrage à ma fonction de porte-plume, où qu’elle soit ! Oyez-vous ? Jamais rien de tel, depuis ce jour où les mots sur la plage se dévêtirent et se mirent en grève -sans préavis !

M... Mais, compère... comme vous ouvrez de méchants yeux et me montrez de grandes dents ! Comme vous tenez en votre main un grand couteau ! Vous n’allez tout de même pas...)

 

« SI ! »

 

(N[on !]) [complété par l’éditeur.]

 

 

Note de l’éditeur

 

                Nous sommes dans la désolante obligation de mettre un terme quelque peu brutal à ce récit. En effet, notre écrivain nous a incessamment quittés. Que sa famille reçoive de notre part nos très sincères condoléances. Quant au lecteur, qu’il se console : nous ne désespérons pas de recruter un narrateur au calame flambant neuf pour en écrire la suite.

 

(Mademoiselle, allez me chercher ce premier candidat... un dénommé comment ?... Non ! Lui ?...)

 

 

 

 

Modifié par Thy Jeanin
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