Posté(e) 3 octobre 2023 La nymphe de la cascade Jadis, dans un pays lointain, au temps des elfes et des lutins, une cascade magique offrait ses services en automne, juste avant l'hiver. Sorte de supermarché de la forêt, chacun pouvait s'y approvisionner non en essence mais en eau de source très pure. Fallait-il payer pour cela ? Certes non, la facture se fondait sur une seule chose : l'acheteur devait, pour se servir, contempler au préalable son reflet dans l'écume légère qui dansait à la surface. Ce n'était qu'une simple formalité pour beaucoup. Le miroir de l'eau ne renvoyait le plus souvent qu'une image peu flatteuse de l'intéressé, ses défauts étaient accentués ou plutôt, devenaient pleinement visibles. La découverte d'un regard chafouin ou d'un visage porcin était parfois le prix à payer pour se régaler. Mais les habitants de la forêt avaient l'habitude et cette leçon de morale par l'exemple les laissait le plus souvent de marbre. Un jour pourtant, tout ne se passa pas comme à l'accoutumée. Dans la file des clients, un jeune homme s'avança, tête basse comme les autres, pour contempler son image à la surface de l'eau. Il s'attendait à un reflet fidèle de sa personne, des cheveux en bataille ou des sourcils en accent circonflexe, un air naïf ou hébété, que sais-je ? Ce qu'il vit le stupéfia. Une jeune fille ! Une ondine, gracieuse et aimable, qui lui souriait ! Il se pinça, croyant rêver. Mais non, le charmant minois était devant lui ! Ému mais inquiet, il se précipita vers le gardien de la cascade, un vieux lutin au regard sévère. Il confia sa surprise et son émoi au vieil homme. Le vieillard le regarda longuement puis lui dit que ce qui lui était arrivé était extrêmement rare mais se produisait parfois : c'était une tentative pour les nymphes de la cascade d'approcher les humains, de les séduire, de les attirer dans les cavernes profondes et de les noyer. Quelle horreur ! Le jeune homme ne pouvait pas y croire. Ces fées ravissantes étaient donc de dangereuses prédatrices, des sirènes des cascades aux visées assassines ? Furieux, il foudroya du regard le lutin, le repoussant assez brutalement. Il en avait assez entendu ! Il rejoindrait son aimée, coûte que coûte ! Il gagna aussitôt le bord du lac et sauta dans le courant, au grand dam des amateurs d'eau pure qui firent la grimace. Moitié nageant, moitié plongeant, il parvint, en retenant sa respiration jusqu'au fond des eaux. Surprise ! Il tomba nez à nez avec son aimée ! Mais quelle pitié... Ce n'était pas la belle jeune fille qu'il avait vue mais une vieille femme édentée qui lui souriait avec amour. Il reconnaissait ses yeux pourtant et son nez plutôt réussi, lui. C'était bien elle, mais elle devait avoir au moins deux cents ans. De plus, elle le contemplait avec un regard concupiscent ! C'était affreux ! Quelle déconvenue ! Il fit demi-tour aussitôt sous l'eau dans un virage sur l'aile et tenta de regagner la surface au plus vite. Malheureusement, il constata que sa course était entravée par quelque chose : des algues de rivière ! Elles lui encerclaient les chevilles, il ne pouvait plus bouger ! Il étouffait, l'air lui manquait. Il perdit conscience. Ce fut la fin de son histoire mouvementée et peu glorieuse. Une moralité s'impose pourtant au terme de ce conte affolant : il faut toujours écouter les lutins, ils sont de bon conseil... FIN 1
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