Partager Posté(e) 14 septembre 2023 (modifié) Bien las d'essayer de comprendre pourquoi il avait fallu sept jours à un créateur narquois pour mettre toute cette pagaille en place, il vendit sa bible et son karma sutra sur un site de connaisseurs pour s'acheter des romans, du hareng séché dont il était très friand et un traducteur sophistiqué qui changeait de langue à volupté et corrigeait les fautes de langage. Au début il avait eu, malgré ces accessoires d'un siècle bien assisté, du mal à déchiffrer tous ces mots tracés de main fébrile (on est toujours fébrile quand on est créateur) mais bien vite, il les reconnut sans trop se casser la tête. Il fut pourtant, bien des fois, tenté de donner sa langue au chat mais en voyant celui-ci, avec ses canines de vampire et ses yeux à présager le pire, Roger changeait à chaque fois rapidement d'avis. Seuls les imbéciles ne le font pas, lui avait dit sa chère épouse, Ginette, en passant d'un coq à un âne qui, sans doute, bénissait mieux que lui. Il sortit une épine de son pied droit, la traversée du désert ne se fait pas sans ambre solaire sinon on attrape des coups de soleil, des coups de je t'aime et bien d'autres misères. Finalement, il s'aperçut que les romans étaient bien plus rigolos que la vie et l'idée le traversa qu'il pourrait en écrire au moins un aussi, faisant fi de la voix de sa maman qui lui disait roule mon petit, surtout n'écris pas ! Oublie l'art qui ne te nourrira pas, préfère le lard et le cochon. En mangeant des haricots les soirs de pleine lune, il charma une muse appelée Euterpe, ce qui est beaucoup plus original que Ginette , vous en conviendrez. Flatté par le compliment qu'elle osa sur son instrument, il s'appliqua tellement que tout un tas d'oiseaux envahirent son jardin secret. Il en perdit un peu la tête mais ça valait le coup comme aurait dit Ginette. Venu d'un petit coin perdu , sans beaucoup d'instruction, sachant chasser sans livre, sans cahier et même sans crayon, il fut bientôt reconnu, pourtant on ne l'avait jamais vu et il toucha des droits, lui qui était si gauche. Cela lui suffit largement pour croiser les doigts en envoyant nonchalamment son premier roman à un éditeur de la rive droite qui avait vécu dans un bureau sordide de la rue Sarasate les trois quarts de sa vie. Enthousiaste comme un adolescent devant des photos de chattes siamoises, l'éditeur en question secoua la poussière de manuscrits enfouis ; le vendredi c'était jour de tirage au sort, voilà que c'est Roger qui gagne, coquin de sort ! On peut toujours chercher une morale aux histoires, mais là il n'y en a pas. Une histoire sans queue ni tête, un pied dans le réel et l'autre dans le ciel, où brillent des milliers d'yeux qui me regardent, perplexes. Sous aucun prétexte je ne voudrais les décevoir, pourtant, le soir, je pense à Roger qui débute dans le milieu et qui promet. Je me dis que ses petites histoires vont faire le buzz et je chasse une mouche noire qui fait bzzz à l'oreille d'un moustique, il ne fait pas le poids me rassure la diptère en reniflant une crotte de Chat. Ouais on dit ça dit Roger, le routier qui vient de publier un besteseller en racontant la route, ses doutes, la poésie qui va de travers sur les petites routes sinueuses où il a rendu heureuses des ménagères qui attendaient une livraison de visions et de rêves pas cher ; sa Ginette qui avait changé de cargaison ; enfin des histoires improbables, le monde à l'endroit et pourtant à l'envers comme les mailles d'un tricot pour l'hiver. Mais comme Roger est très droit, qu'il a le cœur sur la main et que ça le gêne bien pour conduire et pour écrire, il me dit : tu sais tu m'as beaucoup inspiré … Ah bon, moi qui n'ai pas bougé ? Et nous rions d'étés et d'automnes mêlés, de souvenirs partagés. Aux jeunes, fais la place, chante une voix de l'au-delà en se moquant de moi. Et je lui rétorque, en m'étalant sur le sofa, mais alors, toi, qu'est-ce que tu fais là ? De quoi tu te mêles ? Le dernier mouton bêle et je somnole dans la nuit éternelle où d'autres s'éveillent, quel décalage horaire, j'en ai la nausée ! Je rirai bien demain, en lisant les histoires d'autoroute de Roger le routier. Il vient de partir avec sa gamelle et son thermos de café, j'entends le moteur qui commence à chauffer ; je l'envie mais tu as raison, grand-mère, allons nous coucher dans notre vieillesse et surveillons le troupeau avec tendresse. (joailes ----) 14 septembre 2023 Modifié 14 septembre 2023 par Joailes Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites Plus d'options de partage...
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