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Demi-tour


Joailes

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Marcher sans m'arrêter, j'en ai souvent rêvé, mais j'ai toujours fini par faire demi-tour.


 

J'empruntais des chemins protégés du vacarme de l'autre monde grouillant, borgne et ultra sécurisé - mais toujours dangereux - et me plongeais avec bonheur dans l'océan des branches enchevêtrées, dans cette garrigue tant aimée, dans les parfums d'herbes sauvages où je savais mes racines enfouies quelque part avec celles des oliviers.

J'aurais pu tomber, me faire attaquer par un ours -bien qu'il y eût peu de chances qu'il y en eût par ici- manger un fruit toxique ou mourir d'autre chose ; de la piqûre d'une épine – mais aux pétales d'une rose, d'un trop-plein de bonheur !

Et alors ?

Quelle fin formidable, laissant mon poème derrière un baobab -on dira que je suis du pays de la galéjade – mourir dans le thym comme le dormeur du val -mais sans les trous- avant qu'on me retrouve dans ce désert mirifique !

Les fourmis, qui ne reculent devant rien, auront tout nettoyé.

 

Des champs à perte de vue me donnaient une sensation d'extrême sérénité, un peu comme si j'étais seule au monde, avec le pouvoir de reculer l'horizon à satiété à force de marche tranquille parmi les sorbiers.

Je savourais avec délices le vrai silence que seuls, les mésanges charbonnières, les chardonnerets et les rouges-gorges familiers qui s'émerillonnaient autour de moi, savent apprécier à leur juste valeur.

J'en emplissais mon âme en brassant mes pensées pour en faire un gros bouquet, que je jetais loin derrière moi ; il se mêla aussitôt aux chardons mauves qui, parfois, égratignent les chevilles, mais d'une zébrure plus douce que celle de l'éclair les jours de tempête quand tout s'écroule, même le phare – alors en qui croire ? -

Je devenais nouvelle, et en m'apercevant dans l'eau claire d'une source que je savais cachée entre les mamelles douces des collines, je voyais une femme que je ne savais pas.

Je n'avais jamais dit que je ne boirai plus de ta fontaine entre mes doigts glacés.

Heureusement – sinon, j'aurais à ma promesse manqué – il faut que j'y retourne, remuer le couteau dans les plaies, prendre soin de mon heuchère où le désespoir a peint une toile,

ô si colorée !


 

C'est un endroit où l'automne est tellement rousse qu'elle écrit des poèmes bien avant nous ; l'hiver y chante sous la mousse qui tousse, le printemps accueille les jeunes pousses et l'été, le soleil cuit les lézards sur des murs de pierres où des calvaires rappellent que la vie n'est pas toujours douce aux intersections.

L'engoulevent entame doucement le chant de la nuit, il me raccompagne jusqu'à la frontière du supplice -heureusement j'ai mon crucifix - sous ma lampe qui a connu bien des ampoules, j'y soigne mes pieds fatigués d'aller-retours et mes doigts s'enroulent autour des porte-plumes, plongeant dans des encriers de fortune dont jamais je n'atteindrai le fond.

Alors, mille neuf cent quatre-vingt-dix-neuf kilomètres de plus, à quoi bon ?

Je reviens toujours à ma première étape, là où commence l'Amour !

(joailes – 24 mars 2023)

(photo personnelle)

chemin de compostelle 2012.jpg

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