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Nice, trop petite naguère,

S'agrandit, libre de tout mur,

Ni port marchand, ni port de guerre,

Toute blanche au bord de l'azur.

Nice a pour orgueil d'être blanche

Dès que luit le soleil levant ;

Les vaisseaux vont à Villefranche

Qui veulent s'abriter du vent.

Son quai nouveau n'est que la plage.

Qu'importe un navire en danger ?

Pourvu que dans son vert feuillage

Blanchisse sa fleur d'oranger ;

Pourvu que le brick de plaisance,

Le brick élancé de mylord,

Lui du moins, tienne avec aisance

Dans le cadre étroit de son port

Qu'importe l'active pensée,

Et le travail aux mille bruits ?

Par le chant des vagues bercée,

Nice dort, pâle dans les nuits.

Au centre, son château se dresse,

Sur un verdoyant mamelon.

Nice est la cité de paresse,

Chaude oasis d'un frais vallon.

Les villas aux grilles dorées

Alentour bordent ses chemins.

Aloès, thyms et centaurées

S'y mêlent aux fleurs des jasmins.

Là viennent les gens à chloroses

Voir les violettes s'ouvrir ;

Au soleil, en de molles poses,

Les heureux viennent y mourir.

Les boyards, les Anglais, leurs femmes,

Jettent l'or pour voir son soleil,

Qui jette, lui, l'or de ses flammes

Dans le Paillon, ruisseau vermeil.

Monaco d'ailleurs est si proche !

La roulette est un jeu tentant,

Et l'on court y vider sa poche :

Montrer son or, c'est l'important.

Pour vous, amoureux et poètes,

Allez voir ce rivage blanc ;

Dans les chemins, les violettes

Répandent un parfum troublant.

Vous que rien de trop n'embarrasse,

Ô les vrais heureux, vous, la nuit,

Allez sur la longue terrasse

Solitaire, où la lune luit.

Elle s'étend sur les toits même

De plusieurs maisons de niveau,

Au bord des flots où la Nuit sème

Les fleurs de feu de son manteau.

La terrasse offre à tout le monde

L'accueil de ses grands escaliers ;

Ô rêveurs, race vagabonde,

Nice a des toits hospitaliers.

Là, sur la maison endormie,

Au murmure charmant des eaux,

Rêve l'ami près de l'amie,

Légers comme un couple d'oiseaux.

Là, derrière nous, s'endort Nice,

Et des collines d'alentour

Un vent embaumé vient, qui plisse

L'onde frissonnante d'amour.

Ô voyageurs, sur quelles grèves

Trouverez-vous un ciel pareil,

Durant la nuit si plein de rêves

Et le jour si plein de soleil ?


Illustration: Tempête à Nice, MATISSE Henri, 1919-1920

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Commentaires recommandés

Jeep Plume habituée

Jeep

Semeur d’échos
Posté(e)
  • Semeur d’échos

Un beau poème, sans nul doute, mais je m’étonne qu’il figure dans ce panthéon puisque son auteur, comme du reste Charles Péguy et Hélène Vacaresco, est décédé au XXème siècle, ou alors peut-on inclure tous les poètes du XXème siècle nés avant 1900 ?

Eathanor Plume habituée
Posté(e)
  • Administrateur
il y a 1 minute, Jeep a écrit :

(...) peut-on inclure tous les poètes du XXème siècle nés avant 1900 ?

En effet. Comme précisé dans l'accueil du panthéon, pour éviter tout risque de droit d'auteur qui serait encore en cours, aucun poème d'auteurs ayant vécu au-delà de 1950 n'est autorisé.

Joailes Plume expérimentée

Joailes

Semeur d’échos
Posté(e)
  • Semeur d’échos

Vous me cherchez, @Jeep ... ou bien ? 😄