L’inconnue du pont Saint Esprit

[Nâau]

Seule 

Immobile 

Belle inconnue 

Vous semblez contempler 

Ce point d’horizon 

Que je ne perçois plus

Aveuglée par mes pensées volatiles 

Cherchant mille raisons 

Qui occuperaient votre esprit 

A vous poster ainsi 

Contre le silence des pierres 

Confondant le mystère 

De leurs arches aux origines perdues

 

Une grâce élégante 

Recouvre par quelques mèches 

De vos longs cheveux 

Un visage si doux

Et votre regard à mille lieux 

S’évapore à survoler la rive sèche 

Vers un ailleurs où nul ne sait où …

Sur l’univers endeuillé d’une jeune amante ?

 

Si paisible pourtant, belle passante

D’où venez et allez vous ?

Votre sérénité menaçante 

Me fige

Et je deviens statue

A contourner de mes yeux votre silhouette 

N’osant déranger l’espace d’un instant 

L’union que vous semblez former avec le néant 

Sans ombres sur votre corps à demi-nu

 

Mais rien n’oblige 

A interrompre le vol gracieux d’une alouette 

 

Allais-je lentement ainsi 

Vous laisser aux songes

Du Pont Saint Esprit 

Qu’une nuée d’hirondelles plonge 

Sur votre corps évanoui 

 

Rapidement j’ai couru vers vous 

Vous exhortant à vous réveiller 

Le vent soudain glaçait 

Une trop longue absence 

De vôtre frêle poignet

Dans ma main posé

Je ne sentais pas votre pouls 

Du pont le silence 

A martelé de clous 

Le temps fixé en croix 

Sur sa potence

Suspendant  ma voix 

Clouée par ce drame 

Inondant de mes larmes 

Le creuset de vos joues

….

 

La rivière que le soleil a forcé à tarir 

A laissé couler une éternité 

Avant que doucement nos esprits dans un soupir 

Ont souri de se croiser 

 

Mystérieuse 

Vous demeurerez un souvenir 

De votre regard pénétré d’un profond mal-être 

Je tairais les vaines questions 

 

Silencieuse 

Vous garderez vos intentions 

Sur ce pont où peut-être 

Vous désiriez mourir 

 

J’aimerai simplement de vous à présent rêver 

Que le Saint Esprit de ce pont 

Soit pour toujours parvenu à vous consoler 

Alors que de vous se joue mon imagination.