Partager Posté(e) 31 mai 2022 « Prendre langue » (Baptiste Morizot) Hurler avec les loups, dit celui-là qui tremble ; or, moi, je les ai ouïs par un hiver bleuté, invisible peuple en la forêt caché. Au bout de la piste blanche, ils défilaient à l’amble. A pas de loup. Tous à la queue leu leu derrière le meneur. A peine ai-je eu le temps : déjà disparaissait une ultime touffe de poils clairs, dans la fondrière. Et toute la soirée, nous avons échangé. Comme eux, j’ai poussé ma voix pour rejoindre la meute. Et vous ? Êtes-vous ? Qui êtes-vous ? Combien êtes-vous ? D’où venez-vous ? Viendrez-vous à nous? Tout un langage fou de diplomates qui s’amadouent. Cris, glapissements, thèmes sans prédicat, langue buissonnière*. Une louve ? Un louveteau ? Il me semble que je sais ce que vous avez aux entrailles, et réciproquement, - nous disons : au cœur. Bienvenue à vous. : ô joie, pistez-nous ! Il y a de la place, humez tout l’espace. Nous sommes bien, là, près de vous. C’est nous, les migrants, nous avons quitté la grotte il y a cent mille ans. Ô compagnons de fortune, méfiez-vous de l’homme qui se croit garou. Lissons nos atomes, dressons garde-fou. Qu’à la neige ne tienne l’alliance d’antan et que nous protège l’empathie des sangs. Les voix montaient et caracolaient jusqu’aux cimes et la lune d’or s’en souvient encore. Il a fait bon être presque des vôtres. Ô mes frères des grands froids, des profonds bois, la montagne vous honore, éclatants apôtres ! Ne croyez pas ce qu’on en dit, toute existence erre au pays des mille et une vies. * Le terme est de B. Morizot (Manières d'être vivant). 3 Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites Plus d'options de partage...
Il n’y a aucun commentaire à afficher.