Partager Posté(e) 11 mai 2022 Il fallait bien que ça arrive un jour, le plus tard possible, mais non c'est tombé aujourd'hui. Nous nous étions rencontrés sur les quais un jour de soleil, je l'avais emmené chez moi sans presque le toucher, il semblait si fragile, abandonné dans son exil Il est vrai qu'il était beau dans son blouson de cuir avec son signet d'or autour du cou ; son parfum indéfinissable me donnait envie d'accords à l'amiable, il avait la couleur du dernier jour du mois d'août quand les essaims s'endorment, éreintés d'avoir servi la reine, et cette mélancolie d'automne au pardessus élimé jouait déjà sur les quais où ne passait plus personne. Le bouquiniste était fatigué, le boulanger aussi. Je l'ai eu, finalement, pour une bouchée de pain. Je l'ai savouré, mon précieux, mon amour, juste à le regarder, sans vouloir le goûter, l'attente était jouissance dans son petit coffret armé de patience il m'attendait comme un chat adopté Nous vivions heureux dans notre nid de verre rectangulaire perdu au beau milieu de nulle part, je lui racontais de petites histoires ; lui n'en contenait qu'une, une seule, et tant qu'il ne me l'aurait pas racontée, nous serions sauvés. Sur son étagère, il prenait la poussière. Je l'ai astiqué tant de fois avec amour sans aller plus loin ! Pourtant … Ce soir là, prise d'une irrésistible envie, d'un désir incontrôlable, je l'ai pris dans mes bras. Je pourrais dire que le coupable c'était le printemps, avec ses odeurs musquées et ses chuchotements charnels, mais je n'accuse personne, j'entends l'heure préliminaire qui sonne et le bonheur m'attend. Que m'importait le coupable, le printemps, le hasard, peut-être le parfum de la Seine, la solitude dans sa traîne, la trop lourde peine, je savais que le moment était venu de nous mettre à nu nous sommes allés nous lover dans le fauteuil suspendu, le dos sur un épais coussin dans le jardin où paressait le jasmin et je l'ai déshabillé doucement, m'attardant sous la couverture où il cachait encore son secret. Je savais bien que ce serait ma dernière nuit, mais tant pis, elle en vaudrait les chandelles qui exhalaient leur vanille alentour, petites mèches d'amour dans cette nuit torride où tout semblait s'ouvrir Le requiem se mit en route, assourdissant je crois que la nuit a duré très longtemps, plus qu'un printemps. Juste après l'aube claire, tout s'éteignit le roman spadassin était fini et le sommeil, enfin, nous avait réunis. (joailes – mai 2022) 1 Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites Plus d'options de partage...
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