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Les vieilles de mon village.


Frédéric Cogno

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Lorsque j’étais enfant, je délaissais mes jeux,

 

Préposé aux eaux fraîches on m’envoyait heureux

 

Galoper jusqu’à la placette

 

Où trônait la fontaine accoutrée de pichets,

 

Ceux de la Léonie et puis ceux d’Aglaé,

 

Simone avait sa gargoulette.

 

 

 

Ah ! c’est toi le petit ! disaient-elles en riant,

 

Qui comme le grillon chantonne à tous les vents,

 

Tu nous rappelles ton grand-père,

 

Il venait dans le temps, ici, loin des ragots,

 

Astiquer en chantant ses cages à escargots,

 

Mais que tu ressembles à ta mère.

 

 

 

Souvent la Léonie rapiécée de printemps,

 

Repartait la première avec ses fleurs des champs,

 

Les pas au sentier des malices,

 

Pouponner sur le feu à l’abri des regards,

 

Un ragout de cabri, une omelette au lard,

 

Et la rue criait au supplice.

 

 

 

Aglaé la suivait avec au fond des yeux,

 

Un buisson de merlette et des papillons bleus,

 

Toute une vie sans représailles,

 

La pudeur en ombrelle elle allait le matin

 

Ceinturer l’ail des ours, l’herbe pour ses lapins,

 

Coiffée d’un grand chapeau de paille.

 

 

Puis Simone restait le temps d’une chanson,

 

Les cheveux neigeotant et courant le blanchon*,

 

Le cœur gorgé de gariguettes,

 

Discrète et généreuse en un tour de Mandrin,

 

L’art de la diversion, je comprenais enfin,

 

Mes poches gonflées de noisettes.

 

 

 

A l’heure du goûter, j’écoutais quelquefois,

 

Leur causette entre amies mêlée de ce patois,

 

Des mots taillés dans du vieux chêne,

 

Assises sur un banc, ravaudant le mois d’août,

 

Le deuil en volets clos pour garder leur époux

 

Dans la fraîcheur des joies sereines.

 

 

 

Rebouteuses d’un âge à l'abri près du feu,

 

Aux sabots si usés par les travaux rugueux,

 

J’aimais leurs silences utiles

 

Quand leurs mains s’affairaient en laissant le parloir

 

Pour écosser des pois ou broder un mouchoir

 

A l’écart de nos choix futiles.

 

 

 

J’effiloche aujourd’hui ces joyeux souvenirs,

 

Leur moue en cerisette et ce don de vieillir

 

Tout aussi bien que la fontaine,

 

Le cognassier n’est plus, le lavoir est tagué,

 

Mais leurs âmes m’ont dit toujours enlavandées :

 

Qu’on cueillera la marjolaine !...

 

 

 

Le blanchon* est un lièvre blanc en hiver dans les massifs alpins.

 

 

Modifié par Frédéric Cogno
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