Partager Posté(e) 1 décembre 2020 « Racontez-moi. - Tout ? - Les détails sont souvent (il pose l’index sur sa tempe) d’une importance capitale. - Donc, je suis assis devant l’anesthésiste. On devait me soustraire quelque chose. Une opération, quoi. Il n’y arrivait pas… - Qui ? Quoi ? - L’anesthésiste. Il y avait presque une heure qu’il n’en finissait pas de me lénifier avec un récit fleuve. Mes paupières étaient lourdes, mais pas assez. Alors… - Mmh ? - Le docteur se lève subrepticement… - Je le connais ? - Le docteur Isidore. Isidore debout, donc, pointe un doigt vers le plafond et me susurre à brûle pourpoint : Regardez, une araignée ! - Oui ? - Je lève les yeux. En une fraction de seconde, il passe dans mon dos et je sens la piqûre. - Malin ! Et ? - Je me rappelle avoir chu dans les bras… - …de Morphée ? - Non, dans ceux de Lucrèce. - ??? - Borgia. Je me suis cru transporté sur les chutes du Rhin… - Oh je vois : cul rare et chute de reins. Cohérent, ma foi. - C’est le mot. J’y viens. Alors, pendant l’opération, j’ai rêvé très agréablement : additions, multiplications… - ??? - Du pain, du vin à satiété, dans ce rêve. L’abondance ! Pendant qu’on m’ôtait je ne sais plus quoi. Tant de choix, dans ce rêve miraculeux, que je me sentais divisé. - Tant et si bien que vous vous êtes mis à deviser, je vois. - L’araignée ? - ??? - Vous l’apercevez ? - Je la devine qui vient. Et ? - Tout s’est bien passé. Je suis rentré chez moi. - Dites. - Fatigué, je m’installe dans mon Voltaire et déclare pour moi-même : J’y suis pour personne ! - Pour qui ? - Personne. Quelques minutes passent : trois coups. - Sur la tête ? - A ma porte. Je me lève (ayant déjà oublié ma propre consigne) et cours jusqu’au seuil : personne. - Intéressant. - C’est ce que je m’étais dit : y être pour personne. - Continuez. - Je retourne m’asseoir. De nouveau, trois coups. - Godot ? - Personne, en effet. Et là, ça y est : les doutes m’assaillent ! Un noir essaim de doutes, comme dans Les Orientales d’Hugo… Vous savez : « Les djinns ». - … Vous aviez bu ? - Nullement. - Ces doutes ? - Plongé tout au cœur de mes réflexions, je me suis posé mille questions: s’il y a quelqu’un, pourquoi ne le vois-je pas ? Et s’il n’y a personne, pourquoi a-t-il frappé ? - !!! - De là date ma conversion, docteur. Depuis, je ne sors plus. J’attends. Je guette. Je quête. - Les fameux trois coups, hein ? - Non. L'araignée dans le plafond. » 3 Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites Plus d'options de partage...
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