Sur le bord de la route

[Marc Hiver]

Sur le bord de la route, une femme pleurait.

J'arrête ma Porsche et cours à son secours.

Elle était habillée comme une du futur

Égarée en hors-jeu dans ce temps qui effraie.

 

Sur la bande d'urgence aussitôt je la pris

Contre mon corps d'airain — métal d'antiquité —

Qu'un poète garde pour la postérité

Afin de réchauffer les filles de la nuit.

 

Au noir des ténèbres une étoile filante

Blottie tout contre moi se mit à raconter

Qu'un portail quantique l'avait déménagée

— Soma et conscience — par raison suffisante.

 

Je la sens grelotter et lui propose alors

De regagner ma Porsche où un bar intégré

D'un cordial magique — cocktail d'amitié —

Requinquera l'esprit et nous rendra plus fort.

 

Sur le siège d'un cuir pleine peau aux senteurs

Embaumant l'habitacle où le tableau de bord

En ronce de noyer parfaisait le décor,

Me narrerait-elle pourquoi elle eut si peur ?

 

Je l'écoute attentif comme fait un vieux beau

Et découvre pantois que cette gente dame

Vient tout droit du futur pour monter à Paname

Rencontrer l'âme sœur qui ne soit pas robot.

 

Puis elle embarquera l'antique Roméo

Loin vers ses pénates via son portail quantique.

Je lui fais remarquer qu'un portail organique

Investit aujourd'hui tous les mâles rétro.

 

Un portail organique entrave le vivant

Réduit à l'état d'hôte incapable d'aller

Vers d'autres horizons que ceux-là, programmés

Par la Matrice infâme assoiffée de perdants !

 

Une douce chaleur accompagne le luxe

De mon vaisseau terrestre accroché au bitume

Et l'ange du futur que son désir consume

Au clair du plafonnier se dévêt fiat lux !

 

Le portail quantique l'avait bien conservée :

Ses appas sensuels du bas comme du haut,

Qui m'attirant vers elle au mouillage ex-voto,

S'offraient comme une offrande au dieu de l'hyménée.

 

Il accorde à vos vœux le Saint des saints plaisir

Et je comprends de fou que femme du futur

— De sa prérogative en son ciel bleu d'azur —

Choisit son Roméo soumis à son empire.

 

C'était donc moi l'élu d'un cœur tombé sur Terre !

Je quittai sans regret mon carrosse d'acier

Pour la ronde soucoupe aux rondeurs accordées

De dame souriant enfin en lumière.

 

Forclos ce siècle aride enfumé, pollué

Où même les amours ne durent qu'un instant

— Emprise narcissique au risque du printemps

Qui s'automne si vite à la fin de l'été !

 

J'ai laissé ma voiture au bord de l'autoroute,

Mon chalet en Savoie et mon loft à Neuilly,

Pour suivre son époque avide d'utopie

Après l'espace-temps qui sans doute déroute.

 

Modifié 26 septembre 2020 par Marc Hiver