Un Maître et son Disciple

Qui sont en désaccord ;

De ce genre de conte, on connaît le périple

Mais laissez-vous narrer cette histoire d’abord…

On dit que fort longtemps, deux Han de diligence

A la philosophie entendaient s’y donner.

Le Maître respectait la seule intelligence

Du grand éducateur à la Chine adonné.

Mais le Disciple avait, des nouvelles idées,

Grande admiration et ne l’écoutait plus.

Il se laissait porter par ses jeunes ondées

Non point par irrespect mais s’en sentait inclus,

Quand son Maître voulait la carrière publique.

Lors d’un repas, les deux en vinrent à parler,

Aucune attaque, aucune touche, aucune pique :

Ils étaient tous les deux hommes à s’égaler

Sinon par leurs saisons, du moins par leur sagesse.

Le Maître commença : - Comment mon jeune ami,

Vous ne choisissez plus de servir notre Altesse

Comme Confucius en son siècle le fit,

Et, pire, vous chassez son antique pensée

Qui de la Chine fit l’empire le plus craint ?

- Maître, je ne veux point d’une verve insensée

Manquer à mon devoir et vous faire chagrin

Répondit le Disciple avec forte tendresse

Mais je crois au Tao, principe de tout fait,

Et veux m’y consacrer ; la Chine qui progresse

Saura bien se passer de qui n’aura rien fait.

- Pourtant il faut me plaire… - A ça je n’y crois guère

Et pour vous le prouver, observez ces deux sorts.

Le Disciple aussitôt fait que le vin prospère

Et jamais une coupe à se remplir fait d’efforts.

Le Maître est fort surpris mais il faut plus encore.

Son Disciple bientôt fait grandir l’arbrisseau

Qui, quelque temps avant, n’allait pas même éclore.

Le Maître résolu se rend à cet assaut.

Han, vous avez son nom, vainquit par la magie

Mais s’il devint un jour l’un des Huit Immortels,

Ce fut après sa mort et non durant sa vie.

Mais qu’importe après tout ! Parlons des ménestrels :

Il devint leur patron et partout de sa flûte

Inspira l’univers, créa les Fleurs des cieux,

Mais surtout rendait doux le plus vilain hirsute.

Servir ainsi les gens, cela n’est-il pas mieux ?

Il est vrai que la Mort se la joua pimbêche

Quand il voulut cueillir ce qu’il adorait tant :

Un fruit bien mûr, bien rond et qui n’était que pêche.

Qui sait, un jour, peut-être, en fera-t-on un chant ?

L’histoire est donc finie, et les leçons commencent :

A changer de raison, un Maître peut le faire ;

Et si les grands financent,

Les petits sont d’affaire.

Un récit prenant et une moralité fort pertinente, une jolie lecture pleine d'imagination !

Belle chute et d'actualité

Ecriture leste et gaillarde qui dynamise.

J'aime ce récit philosophique et sa morale est imparable.

Un fruit bien mûr, bien rond et qui n’était que pêche.

Qui sait, un jour, peut-être, en fera-t-on un chant ?

J'adore ces deux vers, @Nils Exo

J'aime beaucoup ! Vous réussissez le tour de force de mêler la fable philosophique à une touche espiègle .

Le cœur du poème repose sur un dialogue exquis de courtoisie et de fermeté, où le désaccord n'empêche pas le respect. La réplique : Pourtant il faut me plaire … - A ça je n’y crois guère est un moment de théâtre délicieux.

Le ton est parfaitement maîtrisé, entre la gravité du débat confucéen et l'humour malicieux de la chute.

Merci pour ce conte fort bien versifié qui nous transporte dans la tradition chinoise et le taoïsme. Ce Han lettré m’a fait penser à ce roman du XIXème siècle de Jules Janin « Han wen, le lettré », qui portait le nom de l’un des huit immortels.

Humour et vérités au cœur d’une vieille légende dans une langue qui doit bercer notre cher la Fontaine… Bravo @Nils Exo !

Il y a 8 heures, Jeep a écrit :

Merci pour ce conte fort bien versifié qui nous transporte dans la tradition chinoise et le taoïsme. Ce Han lettré m’a fait penser à ce roman du XIXème siècle de Jules Janin « Han wen, le lettré », qui portait le nom de l’un des huit immortels.

Je vous remercie, @Jeep, pour la référence de ce roman, je vais me documenter dessus.

La Fontaine, à juste titre, continue à faire des émules!

Votre récit en vers mêle habilement le conte philosophique et la légende chinoise. On y retrouve la sagesse taoïste opposée à la rigueur confucéenne,