âmes sensibles, ne plus s'abstenir

1 - la noce d'ébène et de goudron

Le capitaine Adam Troijours aimait son trois-mâts , Candy Tu, comme un homme aime une femme inaccessible.

Il parlait à sa coque fendue comme à une amante, caressait son bastingage pourpre usé par les embruns, et dormait dans la cale, l'oreille collée aux membrures, pour entendre chanter ses veines de chêne.

"Les bateaux sont des veuves qui ignorent qu'elles sont mortes", disait-il aux matelots incrédules, après quelques bouteilles de rhum.

Un soir de tempête, alors que Candy Tu froufroutait comme un corps qu'on déshabille, on le vit clouer au grand mât un miroir brisé, une mèche de cheveux roux (ceux d'une passagère disparue en 1873), une partition de Schubert (jouée naguère par le cuisinier, noyé dans son chagrin après avoir épluché trop d'oignons.)

2 -l'inventaire des cicatrices

Chaque blessure du navire était cataloguée dans un journal de bord : la balafre de tribord (coup de canon, bataille du Cap Horn, 1869), les brûlures de la dunette (incendie pendant la mutinerie des charpentiers), l'entaille du gouvernail (requin blanc, nuit de la Toussaint 1881)

Le capitaine y appliquait des onguents de sa composition : goudron mêlé de larmes de vigie,
mercure et vin des îles, pollen des orchidées que rapporta le second avant qu'on le retrouve pendu dans sa cabine, tellement perturbé par la vieille cousine Maud Erateur qui ne faisait que soulever ses jupes devant le ventilateur en chantant certains l'aiment chaud

3 - le baptême qui fut un enterrement

Quand les assureurs déclarèrent Candy Tu "épave non navigable", Adam organisa une cérémonie où il remplaça les bougies par des lucioles emprisonnées dans des fioles, les rats du bord furent habillés en demoiselles d'honneur et le livre de bord fut lu comme une oraison funèbre ;

puis il l'embrassa longuement sur l'étrave (goût de sel et de pourriture douce) avant d'ouvrir les vannes et de s'allonger dans le hamac, s'octroyant ainsi une petite séance de psy dont les honoraires sont gratuits, comme chacun sait, après minuit.

On dit qu'aujourd'hui, par nuit sans lune, on entend sonner douze coups dans les flancs de la cloche engloutie.
Les pêcheurs évitent la zone, craignant de prendre dans leurs filets soit un homme changé en algue, soit un navire changé en fantôme, ou pire : les deux enlacés, comme au premier jour des noces.

Une poulie grince au loin, un filin se tend dans l’obscurité …

Dormez bien, pirates de l’imaginaire, demain, nous ferons naufrage sur mesure avec boussole sabotée et rimes en contrebande.

Ah ben non pas demain, le capitaine a des entretiens et doit convaincre Pacôme Toulmonde que c'est pour son bien ...

… bruit de vagues qui chuchotent des alexandrins pleins d'amertume ... Candy Tu est recouverte d'écume ...

(joailes -) 13 mai 2025 - 23h 13

Des fragments très intéressants et fort originaux issus de la mer intérieure de Joailes !

On comprend pourquoi les bateaux peuvent être du genre féminin en Angleterre.

Jules Coudequeur.

Il me semble avoir entendu au loin la cousine Maud

chanter quelque chose qui ressemblait à Plus près de toi mon Dieu avec le Capitaine sur le pont de Candy...

accompagnés par un orchestre dirigé par la cheffe anglaise Corey Ktryce

un vrai régal , tous les membres de l équipage chantaient en chœur !

Modifié 13 mai13 mai par Diane

May day...May day...

A t on des nouvelles du Capitaine ?

Très joli texte où poésie et drôlerie sont bien dosés, foi d'Emile Sabor.!

Il y a 19 heures, Joailes a écrit :

un miroir brisé, une mèche de cheveux roux (ceux d'une passagère disparue en 1873), une partition de Schubert (jouée naguère par le cuisinier, noyé dans son chagrin après avoir épluché trop d'oignons.)

N'est-ce pas une nature morte?

Il y a 5 heures, Diane a écrit :

A t on des nouvelles du Capitaine ?

Adam Troijours !!

Il y a 14 heures, Joailes a écrit :

Adam Troijours !!

Adam Plusqunjour alors 🤗

Que de poésie, de douceur dans cet amour absolu. Belle histoire, joliment coloré par vos mots choisis.

Une légende tout à fait digne des pirates et autres flibustiers à la dérive. Ça secoue.

Voilà un portrait ressemblant. Au vitriol certes, mais n'est ce pas le meilleur révélateur des eaux fortes. Et pas grand monde en commentaire qui ose toucher le fond... et pour cause.

Le 18/05/2025 à 11:16, Daniel Muller-Ferguson a écrit :

Et pas grand monde en commentaire qui ose toucher le fond... et pour cause.

Tous attachés à fond...de cale ?