Départ

[Thy Jeanin]

 

          Dans cette ville lovée à flanc de monde, il n’y a personne dans les rues. Les toits rutilent dans l’azur au plus fort de son feu d’artifice.

 

          Je cherche mon chemin, frôlant les murs, passant du jour brut éclatant à la nuit profonde et froide.

 

          Retrouverai-je ma bâtisse ?

 

          Quand je frappe aux portes, les volets sont clos ou des mains en ferment les battants. Je poursuis au hasard mon cheminement. Je vais montant.

 

          D’immenses arcades ponctuent mon itinéraire aléatoire. Comme un naufragé, je m’accroche aux îlots de lumière, mais il faut que j’avance et je me jette régulièrement dans les recoins noyés d’ombre.

 

          Au loin, l’on entend la corne d’un paquebot et des nuages de vapeur empanachent l’horizon. Deux arbres là-bas se dessinent, probables palmiers. On ne sait vraiment si le soleil va tomber ou se lever. Les rues sont devenues vert d’eau.

 

          Entre deux murs à contrejour, si noirs que je me demande si je ne suis pas arrivé dans une halle portuaire, une statue paresse, blanche comme l’os.

 

          C’est l’heure du départ, je le sens comme on sent l’iode.

 

          Une dernière fois, je me pose la question : quelle était ma maison parmi celles de cette ville ingrate ?

 

          Une voix de marbre me répond : « La voici qui passe, cours y prendre place ! »

 

          Alors je me prends à filer de toute la vitesse de mes jambes, porté par un flot de rayons solaires.

 

          Mes bagages me précèdent, dans les mille mains du vent.