Granger :
Il est vrai qu'à l'âge où vous êtes, n'avoir point de barbe, vous me portez la mine, aussi bien que le Phoenix, d'être incapable d'engendrer. Vous n'êtes ni masculin, ni féminin, mais neutre : vous avez fait de votre Dactyle un Trochée, c'est-à-dire que, par la soustraction d'une brève, vous vous êtes rendu impotent à la propagation des individus. Vous êtes de ceux dont le sexe femelle,
Ne peut ouïr le nominatif
A cause de leur génitif,
Et souffre mieux le vocatif
De ceux qui n'ont point de datif,
Que de ceux dont l'accusatif
Apprend qu'ils ont un ablatif.
J'entends que le diminutif
Qu'on fit de vrai trop excessif
Sur votre flasque génitif,
Vous prohibe le conjonctif.
Donc, puisque vous êtes passif,
Et ne pouvez plus être actif,
Témoin le poil indicatif
Qui m'en est fort persuasif,
Je vous fais un impératif
De n'avoir jamais d'optatif
Pour aucun genre subjonctif.
De « nunc » jusqu'à l'infinitif,
Ou je fais sur vous l'adjectif
Du plus effrayant positif
Qui jamais eut comparatif :
Et si ce rude partitif,
Dont je serai distributif
Et vous le sujet collectif
N'est le plus beau superlatif,
Et le coup le plus sensitif
Dont homme soit mémoratif,
Je jure par mon jour natif
Que je veux pour ce seul motif
Qu'un sale et sanglant vomitif,
Surmontant tout confortatif,
Tout lénitif, tout restrictif,
Et tout bon corroboratif.
Soit le châtiment primitif
Et l'effroyable exprimitif
D'un discours qui serait fautif,
Car je n'ai le bras si chétif,
Ni vous le talon si fuitif,
Que vous ne fussiez portatif
D'un coup bien significatif.
Ô visage ! Ô portrait naïf !
Ô souverain expéditif
Pour guérir tout sexe lascif
D'amour naissant ou effectif :
Ô Genre neutre, genre métif,
Qui n'êtes homme qu'abstractif,
Grâce à votre copulatif
Qu'a rendu fort imperfectif
Le cruel tranchant d'un canif ;
Si pour soudre ce logogrif
Vous avez l'esprit trop tardif,
A ces mots soyez attentif :
Je fais vœu de me faire Juif
Au lieu d'eau de boire du suif,
D'être mieux damné que Caïphe,
D'aller à pied voir le Chérif,
De me rendre à Tunis captif,
D'être berné comme escogriffe,
D'être plus maudit qu'un tarif,
De devenir ladre et poussif,
Bref par les mains d'un sort hâtif
Couronné de cyprès et d'if,
Passer dans le mortel esquif
Au pays où l'on est oisif :
Si jamais je deviens rétif
A l'agréable exécutif
Du vœu dont je suis l'inventif,
Et duquel le préparatif
Est, beau Sire, un bâton massif
Qui sera le dissolutif
De votre demi-substantif :
Car c'est mon vouloir décisif
Et mon testament, mort, ou vif.
Le Pédant joué, Acte I, scène 1
Commentaires recommandés