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  • Étude par l'exemple

     

    Cette partie n’a pas la prétention de régir totalement l’art de composer les rimes. Elle se veut surtout être une aide pour le poète, afin de l’éviter de tomber dans les facilités de la langue française. 

     
    En réponse à Fabienne Desjardins qui m’a demandé mon avis sur son texte Alexandrins que je vous livre ici, après avoir obtenu son autorisation, voici le résultat de mon étude : 

     

    Alexandrins 
     
           Je suis comme la rosée d’un matin amer
           Qui pleure sur l’herbe la nuit qui s’achève

           Et mes émotions vagues de mer sans trêve
           Ne sont que des mots aux portées éphémères,
           Qui coulent en larme de buée sur mon cœur,
           Sans cesse dérivant comme un bateau au vent.
           La rosée s’évapore toujours sous le vent
           Mais ce sont mes mots qui s’en vont pas la douleur.

           Elle perd de sa force au contact de l’encre,
           Mais en moi sans arrêt ne cesse de languir.
           Je voudrais tant que mon cœur enfin s’échancre
           Pour que tous mes poèmes puissent en sortir
           - Dans mon esprit la pudeur les emprisonne-
           Je sais que ma plume pourrait me délivrer.

           Pour que je trouve enfin des vers qui tonnent
           Et libérer les mots que je voudrais livrer.
           J’aimerais beaucoup extraire la poésie
           De l’ennui qui hante mon âme qui s’aigrit 

     
    Fabienne Desjardins 

     

     

    Bonsoir Fabienne,
     

    Je viens de relire et d’ "étudier" ton texte Alexandrins.
    Effectivement, comme tu ne connaissais pas les véritables règles de prosodie pour te permettre de réaliser un alexandrin, c’est normal que l’on retrouve des erreurs.
    Avant de te parler "technique pure", puis-je me permettre de te donner un avis sur l’ensemble du texte ? Et bien, tu promènes ton spleen de belle façon, et les images "la rosée d’un matin amer qui pleure sur l’herbe" sont profondes et appellent à la rêverie.
    J’ai décortiqué ensuite l’ensemble, et si je veux être honnête avec toi, il faut que je te dise les choses qui ne vont pas ; tu fais comme tu veux évidemment, je n’ai ni la prétention ni le moyen d’imposer quoique ce soit, c’est en toute amitié et par souci d’intégrité que je te livre ces réflexions.
    Tout d’abord, ta première phrase commence à la première et finit au sixième vers. Ce qui a pour effet d’annihiler la superbe image que tu emploies au début (rosée d’un matin amer...), car l’œil ne s’arrêtant pas sur une ponctuation, il continue sans prendre le temps de savourer, et finit sur une métaphore somme toute banale (comme un bateau au vent).

     

    Dans l’ensemble du poème, tu emploies des pronoms relatifs (que..., qui...) ou des conjonctions (comme... ) au nombre de 15 fois, sur 18 vers : cela fait trop et laisse une lourdeur désagréable (prononce trois ou quatre fois "que" pour te rendre compte). 
    Par exemple au lieu de : "Je suis comme la rosée d’un matin amer qui pleure sur l’herbe la nuit qui s’achève." où l’on retrouve deux pronoms relatifs et une conjonction, il peut être proposé :"Je suis une rosée en un matin amer : J’ai sangloté sur l’herbe une nuit qui s’achève." Il reste un seul pronom relatif, et le vers s’envole... Plusieurs poètes disent que la ponctuation ne sert à rien. Seulement, ces poètes sont ceux qui ont maîtrisé le sens du rythme et la musicalité des mots. Pour un néophyte désirant acquérir cette expérience, la ponctuation est une aide précieuse. C’est elle qui détermine les accents forts du texte, complétée en cela par les accents des mots. Alors, elle est importante.
    Juste un autre détail avant de passer à la forme elle-même du poème. Un petit pléonasme sympathique : "vagues de mer" ! 
     
    La forme
    Un alexandrin se doit de respecter l’élision du "e" à l’hémistiche. Dans ton deuxième vers, "Qui pleure sur l’herbe la nuit qui s’achève" est incorrect, parce que ton vers est découpé ainsi : "Qui/ pleu/re/ sur/ l’her/be // la/ nuit/ qui/ s’a/chève. (le e de "s’achève" est muet, "chève" compte donc une seule syllabe). Ton alexandrin compte en fait 11 pieds.
    Dans l’exemple que je t’ai donné, et ce n’est qu’une proposition, je te rappelle :

    "J’ai/ san/glo/té/ sur/ l’her/be/ u/ne/ nuit/ qui/ s’a/chève", le "e" de "herbe" est élidé avec la voyelle "u" de " une ", donc il faut faire la liaison, et nous obtenons un vrai alexandrin de douze pieds. De plus le terme "sangloter" est moins employé que "pleurer", il donne une force particulière à ton image. Je te laisse regarder les autres vers où ce problème se pose. 
     
    Il faut éviter de faire des répétitions, sauf si tu veux donner un style, comme un leitmotiv pour faire chanter ton poème. Par exemple, on retrouve deux fois le mot "rosée", trois fois le mot "mot", deux fois le mot "cœur", deux fois le mot "vent". En théorie, un mot qui est répété ne peut l’être qu’au bout du dixième au douzième vers à partir du premier. Cette règle est aussi une astuce : en effet, se forcer d’éviter des répétitions nous oblige à trouver des termes plus riches, moins employés, et cela enrichit également notre connaissance. 
     
    Les rimes
    En poésie classique, il faut éviter de faire rimer des rimes masculines avec des rimes féminines, et vice-versa. Il faut également éviter de faire rimer des sons trop rapprochant les uns des autres, risque de confusion à l’oreille (sur un ensemble de quatre vers : "amer", "s’achève", "trêve", "éphémère").
    Je vais faire paraître bientôt sur le forum la fiche sur les rimes, alors comme ce n’est pas encore fait, il faut que je donne une explication : en général, un mot se terminant par un "e" muet constitue une rime féminine. Lorsque ce n’est pas le cas, c’est une rime masculine. Si RF désigne une rime féminine et RM une rime masculine, dans un quatrain, nous trouverons plusieurs structures décrites comme ci-dessous : 

     

      Ou Ou
    RF RF RF
    RF RM RM
    RM RF RM
    RM RM RF

     

    Si une structure est adoptée pour le premier quatrain, il faut que les autres quatrains suivent le même schéma.

     

    Voilà, j’espère ne pas t’avoir brusqué avec toutes ces explications un peu rébarbatives. Surtout, je ne voudrais pas que tu te décourages à comprendre les règles de prosodie, à terme, cela rentre tout seul et on s’en sert comme si on ne les avait jamais oubliées.
    J’ai volontairement préféré te faire une étude (…) car là au moins, tu vois comment je procède. De plus, c’est bien plus difficile pour moi de corriger un poème non fait par ma personne ! J’espère que tu apprécieras ma franchise, et ce travail !


    Je vais finir par me faire payer si ça continue ! (je plaisante !)


    À bientôt.

     

    Pierre. 

     
    Je remercie encore une fois Fabienne d’avoir accepté que je la cite elle et son poème dans cette fiche.

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