Partager Posté(e) 13 juillet 2020 Le Gabier Le vieux bordé souillé craquait dans le silence L’entrepont recouvert d’une paille moisie Etait plein de captifs cherchant la somnolence L’évasion du sommeil, bienheureuse amnésie Oublier un instant qu’ils étaient prisonniers Sur ces pontons du diable, parodies de vaisseaux Génération perdue, matelots, canonniers Croupissant dans la fange tels de vulgaires pourceaux L’Anglais laissait pourrir dans ces geôles déloyales Au fond de ses grands ports, ses arsenaux géants La fine fleur humaine de la flotte impériale Ceux qui osèrent défier l’Albion sur l’Océan On l’appelait Ti’Jean, surnom qu’on lui donna Chétif enfant des rues, à son embarquement Au port de Saint-Malo, en guise de pensionnat Sur une humble frégate, corsaire au fier gréement Entre mille corvées et les coups indistincts Qu’un quartier-maître aigri prodiguait sans mesure Aux mousses innocents et même aux pilotins Il n’attendait qu’un ordre, monter dans la mâture A l’appel du sifflet, joyeux, il s’élançait Le premier des gabiers, l’intrépide gamin Pour ferler quelque voile, assurer un étai En courant sur les vergues comme sur un chemin Même le vieux bosco admirait cette grâce Funambule insouciant, tout en légèreté Sur les filins de chanvre, il dansait dans l’espace Oubliant les épreuves, ivre de liberté Les furieux abordages ne l’effrayaient plus guère Tant qu’il pouvait rester dans ses huniers chéris D’où son mousquet en main, tel un dieu de la guerre Il frappait comme la foudre, en tireur aguerri Dans son cachot humide aux grilles de membrures Son esprit s’évadant, il survole la Manche Il est libre à nouveau, grimpant les enfléchures Vers son royaume intime, orné de voiles blanches Gao T. Kanth 5 Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites Plus d'options de partage...
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