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Chez Tonton


Joailes

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C'est un petit bistrot à l'ancienne, qui ne paye pas de mine, au beau milieu d'une rue qui donne l'impression d'être oubliée, et c'est tant mieux car ses pavés sont restés intacts malgré mai soixante-huit. 

J'aime bien la clochette qui retentit lorsqu'on ouvre la porte, les odeurs de cuisine familiale, les nappes à carreaux rouges et surtout ces vieilles rengaines en sourdine qui semblent sortir des murs de pierres. 

 

La première fois que j'y suis entrée, il y a au moins quinze ans, j'ai pu écouter Patti Smith pendant une demi-heure, sans être dérangée. Un de ses albums que je préfère.

Du coup, j'y suis retournée chaque jour (enfin presque)  et maintenant, tonton, c'est un peu mon tonton.

C'est un gros bonhomme bourru, peu bavard, qui se contente de faire marcher son bistrot sans se poser de questions existentielles ; il s'affaire, un torchon accroché dans son tablier, derrière son comptoir toujours nickel, bien qu'en zinc bleuâtre.

Il sert des canons, des petits noirs, des petits blancs secs, des gros rouges qui tachent, des mousses débordantes et le midi, son fameux plat du jour qui sent si bon.

Tout ça tranquillement, sans histoire.

 

Son café  sort direct du percolateur, je ne crois pas qu'il se le fasse venir du Brésil, mais il a un goût inénarrable, comme chez ma grand-mère.

Ceux qui en prennent un, pourtant,  ne s'attardent pas ;  ils sont pressés, lisent les gros titres du journal, font un tour aux toilettes et repartent dans le petit matin blême en hiver, le pas lourd ; plus coloré l'été, le pas plus léger.

Les habitués du petit blanc restent plus longtemps, et ceux du gros rouge aussi, mais il n'y a jamais d'histoire, tout se passe comme dans un vieux film colorisé, un peu au ralenti, presque muet.

Ce sont de gentils poivrots qui commencent ici, pour se mettre en train,  mais finissent ailleurs, sur et sous d'autres zincs,  pour en finir avec leur train-train. 

J'aime bien observer les gens.

Eux ne me voient pas.

Seule dans mon coin, je savoure mon café, (des fois, quand je suis de bonne humeur, j'y trempe un croissant), toujours à la même table, au fond, derrière la plus petite fenêtre (je crois que c'est celle des toilettes)  et je prends des notes.

La journée débute ainsi, chez tonton ; je m'en arrache parfois avec difficulté, quand il fait froid dehors, quand je suis mal réveillée ou quand je n'ai pas envie de voir d'autres visages ; mais dès le printemps, quand les rues sont un peu plus accueillantes, que le géranium refleurit aux fenêtres, que tonton a un semblant de sourire, c'est mon tremplin pour commencer ma journée.

J'aime bien les amitiés rudes qui se passent de mots. 

Modifié par joailes
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