N'Silina 393 Posted September 5, 2018 (edited) Genêts L’odeur des genêts me cueillait dès le portail, m’attirait, me chuchotait ses promesses d’or clair à la frange des cils. C’était une de ces visites ennuyeuses que mes grands-parents rendaient à des amis lors de leurs vacances sur la Côte d’Azur. Leurs conversations cancanières de septuagénaires richissimes et méprisants donnaient envie de fuir à la petite fille de 5 ans que j’étais, et j’avais parfois peur que leurs rides profondes et leur odeur particulière me tombent dessus d’un coup ! Je songeais à mon autre grand-mère que j’aimais tant coiffer, si douce et si rieuse, à ses câlins prodigues et je me disais que décidément les gens méchants puaient, tandis que les gentils sentaient le bon pain, l’eau de Cologne et la lavande ! Enfin, passée la demi-heure d’usage où il était de bon ton de rester effacée et polie en buvant une citronnade, à grignoter quelques petits gâteaux presque aussi secs que les baisers de mon aïeule, j’avais l’autorisation de m’envoler vers la balançoire tant convoitée et ses genêts florissants ! Leur petite assemblée pouvait alors s’en donner à cœur joie et médire à qui mieux-mieux sur la famille, les voisins ou commenter les vedettes du petit écran : « Mais quelle horreur ces jupes si courtes, il n’y a rien de plus vilain que des genoux ! » s’exclamait ma grand-mère au moins une fois par jour. Je m’éclipsai donc, soulagée et ravie, et m’apprêtai à courir dans ces allées où poussait une végétation luxuriante, redécouvrant chaque fois, tout près de la balançoire comme cirée de soleil, ces buissons magnifiques de fleurs jaunes odorantes, scintillants de lumière, tout vibrants dans la brise marine : les genêts ! Cette fois-là, pourtant, la photo d’une fillette au visage expressif me retint dans le couloir. Elle avait quelque chose de Julie Bataille - mais cela je ne m’en rendrai compte que bien plus tard. A sa bouche fruitée, les garçons verraient bientôt une promesse de baisers. Son regard, où se lisaient tour à tour la joie et la mélancolie, quelque chose de sauvage émanant d’elle, un caractère déjà bien ancré, donnait irrésistiblement envie d’aller à sa rencontre… Je claironnai : « Comment elle s’appelle ? » Edited September 5, 2018 by N'Silina Share this post Link to post Share on other sites
Guest Posted September 6, 2018 Un aitre aspect de votre belle plume ! J'aime ! Share this post Link to post Share on other sites
Eathanor 2,266 Posted September 6, 2018 Même si le souffle de l'exotisme est absent de ces lignes, vous nous offrez une prose "Out of Africa" qui vous réussit bien Share this post Link to post Share on other sites
Joailes 3,037 Posted September 6, 2018 Habitant à l'année sur la Côte d'Azur je peux dire que les genêts, ça me connaît ! Ils ont un parfum très spécial qui me suit partout où je vais ... Share this post Link to post Share on other sites