Carmen la folle

[Camine]

je m'appelle Carmen. ceux qui me connaissent m'appellent Carmen la folle. pas parce que je serais folle. en fait je ris tout le temps. j'ai de la poussière dans les cheveux et j'aime boire un café noir chaque matin.

à 18 ans je fabriquais des pelles et depuis 70 ans se sont écoulés. puis j'ai vu un garçon se baignant dans la rivière qui passe à travers les collines. la rivière était belle et le garçon avait les plus beaux bras. c'est comme ça que j'aie pensé: il avait les plus beaux bras. je l'ai oublié depuis longtemps et, je ne sais pas pourquoi, tout d'un coup je pense à lui maintenant. peut-être parce que je voulais écrire quelque chose de beau et c'est ça qui m'est passé par la tète. je pourrais écrire sur la rivière, mais je ne sais pas si elle est la même. j'ai oublié sa ligne, ses rives, ses pierres. le garçon est le même, il suffit de fermer les yeux.

ils m'ont dit que tout ce que j'ai a faire sont les 3600 pelles. 3600 précisément. poussière noire et de la soif. huit heures pour 3600 pelles. une pelle, après encore une, jusqu’à 14H. les blagues et les tapages je ne les comprends pas.

la maison. l'assiette de nourriture. le silence. trop lourd, trop noir.

je lui ai raconté mon souvenir. il avait les mêmes bras beaux, la rivière était aussi brillante, rampant parmi les pelles.

on va se parler, il m'a dit et je ne l'ai jamais revu.

encore milles pelles pleines de poussière. le café noir chaque matin. parfois, parmi les bras fatigués, le coucher de soleil, jamais un lever de soleil. la nuit est carrée, sèche. trop lourde, trop noire.

je m'appelle Carmen. ceux qui me connaisse m'appellent Carmen la folle. je ne sais pas pourquoi je ris tout le temps. depuis cent ans je fabrique des pelles. j'aime boire un café noir le matin. j'aime la rivière que j'ai vu une fois, rampant vers  les collines.