Partager Posté(e) 27 avril 2020 Il y a longtemps que j’avais le virus, mais cette année, c’était prévu, j’allais mettre les bouchées doubles. Contrat signé avec un ibère émacié qui ne cessait de répéter « Tu moulines (1) ! Tu moulines ! Et tu vas gagner ! », je rejoignais son adjoint, un petit gars rondouillard au sang chaud un peu ibérique, un peu y barrique aussi, avec du bidon mais pas de pot belge ! Le premier janvier, il m’installa du côté de Sète pour vivre en ascète, non pas à sept (on n’était pas des nains), mais à deux, ma petite reine et moi, ma Rossinante flambant neuve de couleur vermillon comme ceux que j’allais désormais engranger. Question régime c’était drastique, oeufs mollets tous les jours, en chasse patate (2), huit heures de rang les mains sur les cocottes (3) et le type au sang chaud derrière qui hurlait dans un porte-voix « Tu moulines ! Tu moulines ! Et tu vas gagner ! » En bon élève j’appliquais je démarrais en facteur (4) et après la musette (5) je serrais la vis (6) sur la plaque (7). Le dimanche, je me pelotonnais sur les routes avec les copains. Je serrais les fesses en serre-file (8) je tricotais (9) sur le plat je les cabossais dans les bosses, et de fil en aiguille, dans un sprint effréné je tirais mon épingle du jeu. Ainsi, à moi les glaïeuls et la gloriole ! Tout marchait bien. Les observateurs parlaient de moi, une pléiade de journalistes zélés me jouaient classé dans les classiques, les plus rompus me prédisaient en danseuse conquérant du maillot rose et m’imaginaient en juillet, solaire, descendant les Champs Elysées. C’est en mars que le drame arriva… Confinés ! Tous confinés ! Plus d’ibère émacié ! Raide ! Plus de sang chaud ! Refroidi ! Et le Tour de France déplacé en septembre ! Mais en septembre moi, tous les ans, je vendange (10), j’ai les mollets qui flagellent, une grappe de varices à l’arrière, et un grand besoin de vacances qui fermente sous mon maillot carmin. C’est décidé, ce matin, je me plonge dans « Les raisins de la colère » pour oublier que cette année je devais gagner le Tour de France ! Petit lexique cycliste pour ceux qui n’ont pas le virus de la petite reine ! (1) – pédaler sur un petit développement. (2) – rouler seul entre deux groupes. (3) – les poignées de freins. (4) – rouler lentement. (5) – le ravitaillement. (6) – accélérer. (7) – le plus grand développement. (8) – en fin de groupe. (9) – pédaler facilement. (10) – ne pas être efficace. Rossinante qui attend la Dulcinée aux glaïeuls ! - Photo Papy Adgio 2 3 Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites Plus d'options de partage...
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