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Portrait


Frédéric Cogno

Messages recommandés

Paris vous a vue naître en mille neuf cent- trois,

 

Troisième république avant la grande loi

 

Qu’Aristide Briand brillamment inspiré

 

Propose à la France dans l’immense assemblée.

 

C’est l’enfance joyeuse avec deux joues bien roses,

 

La chasse aux papillons et les leçons de choses,

 

Les jeux sous le préau, la grande communion,

 

Les danses friponnes sur le pont d’Avignon…

 

Vous dormez en pension chez les religieuses,

 

Le cloître est sévère et l’étude sourcilleuse,

 

Regarder un garçon échappe à la vertu

 

Et on vous corrige si votre épaule est nue.

 

 

 

Ah ! l’adolescence ! le rêve, le ciel bleu,

 

Verdun mille neuf cent- seize et ce Guillaume II,

 

Déjà vous suppliez le retour des poilus

 

Et triste vous pleurez un proche disparu…

 

Vous traversez les ans l’armistice signé,

 

L’Alsace et la Lorraine ont le cœur soulagé.

 

Jeune femme sans peur au lendemain des crises,

 

Tiens, les premiers congés…la joie des blouses grises,

 

La trentaine passée vous avez de quoi dire

 

Mais voilà que la France a décidé le pire…

 

Très vite, nos soldats par malheur nous reviennent,

 

Pauvres têtes baissées sur les voies incertaines,

 

Bientôt le pays sombre et la rancœur s’installe,

 

En écoutant Pétain, vous criez au scandale !...

 

Le devoir vous appelle au nom des libertés,

 

Devant l’abattement il vous faut résister

 

Et résister encor face à l’inavouable,

 

Aller beaucoup plus loin sans taper sur la table,

 

Se sacrifier peut-être aussi jeune et jolie,

 

Sauver des pauvres gens au péril de sa vie,

 

Passer les Pyrénées, donner le vent d’Espagne

 

A ceux dont le seul nom était bon pour le bagne,

 

Combattre l’occupant et ses projets sans nom,

 

Saboter son ouvrage et piéger ses canons,

 

Redonner de l’espoir à ceux qui l’ont perdu

 

En clamant aux copains : « les loups seront vaincus ! »

 

En chantant simplement dans les caves secrètes,

 

La fougue de Trenet ou des airs d’opérette…

 

 

 

Quelle foi, quelle force, ont dicté votre lutte ?

 

Même le délateur aux gants blancs ou hirsute

 

N’a pas atteint le cœur de votre engagement :

 

Libérer la France pour plus d’enchantement !... 

 

Dans les camps de l’immonde où le diable sévit,

 

Vous résistez toujours devant la barbarie,

 

Vous voyez des horreurs que vous n’oublierez pas,

 

La souffrance éternelle et l’odeur du trépas,

 

La femme humiliée, toute nue, dans sa fange,

 

A genoux, tremblante, serrant son petit ange,

 

Scrutant un ciel si noir, absent, silencieux,

 

Qui ont fait naître en vous la question du bon dieu…

 

La faim vous tenaillant, les morsures du froid,

 

L’herbe rêche des routes en guise de repas,

 

Vous n’en revenez pas de tant de cruautés,

 

Lorsqu’on jette la soupe aux marches d’escalier,

 

Quand les chiots de deux mois mangent la chair humaine,

 

Quand un front n’en peut plus du crachat des gardiennes…

 

Le reste fait silence et n’appartient qu’à vous,

 

Le passé se trouble et la mémoire s’enroue.

 

Une dame célèbre au même écho fatal,

 

Détenue comme vous, nièce du Général,

 

Vous a laissé ce goût du courage incessant,

 

L’idée d’un autre monde où les justes ont du cran.

 

 

 

Maman attentive penchée sur ses petits,

 

Nul n’a pu vous soustraire aux plaisirs de la vie.

 

Un commerce coquet pour mieux dire bonjour,

 

Une course à cheval à la pointe du jour,

 

L’héroïne au grand cœur ne renonce jamais,

 

Voit ses enfants grandir dans un monde moins gai,

 

Applaudit franchement la mission Apollo

 

Et souffre pour la terre eu égard à ses maux.

 

 

 

A présent vous voilà, c’est votre anniversaire,

 

On en oublie votre âge à fêter vos mystères,

 

Fille De Maintenon, Fille de Montespan,

 

Toujours le même esprit et le mot truculent,

 

Donnant le coup de coude à la conversation,

 

Qui voudrait tout savoir sur les informations…

 

-         Que dit le nouveau pape ?... Allons, racontez-moi !

 

Que faîtes-vous ce soir ? Dodo ou la nouba ?

 

-Madame, ils ont sifflé, hué la Marseillaise !...

 

-C’est abominable, j’en tremble sur ma chaise !

 

-Qu’avons-nous à midi ? Du bon poulet de grain ?

 

-C’est encore un vieux coq…mais sans les plumes au moins ?

 

-Il faudrait à sa sauce un peu plus de tomates…

 

-Que c’est long à mâcher…boulègue* un peu les pâtes !...

 

-Que me veut-elle ainsi ? Perdrait-elle la boule ?

 

-Où est l’infirmière à l’accent qui roucoule ?

 

-Merci bien ma chérie, comment vas-tu mon beau ?

 

-Pourquoi me couchez-vous ? Il est encor trop tôt !...

 

 

 

Ah ! Madame Martin…du toupet au tonnerre,

 

Tous vos coups de grisou viennent brises légères,

 

La poigne, l’exigence, et vos traits souverains,

 

Éloignent du naufrage et du triste recoin.

 

Gardez votre sourire et ce ton gouailleur,

 

Votre âme d’hirondelle…aller voir plus ailleurs !

 

Vos fragiles chansons tout au fond du couloir

 

Qui font que tout d’un coup on n’est plus dans le noir,

 

Qui invitent chacun à deux pas de Noël,

 

Parents et résidents et tout le personnel,

 

Les enfants, les amis, les oiseaux et les fleurs,

 

La France toute entière élevant tous les cœurs,

 

La mer et le soleil, pourquoi pas dieu lui-même,

 

A vous dire aujourd’hui : merci ! et qu’on vous aime !

 

 

Boulèguer*: Mélanger (provençal)

 

 

Le 16 décembre 2005.

 

Pour les 102 ans de Madame Georgette MARTIN, mon amie, résistante et déportée au camp de Ravensbrück, résidente des Jardins D’Artémis à Marseille.

 

Animateur en maison de retraite, j’ai eu l’immense honneur de partager le quotidien de cette pensionnaire absolument extraordinaire.

 

Madame Georgette Martin s’en est allée en 2011 à l’âge de 108 ans.

 

 

 

 

 

 

 

Modifié par Frédéric Cogno
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