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Contes indomptés (revisités)


Lucien

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(Extrait d'un recueil de contes à venir...)

 

                 I.  Le corbeau et le Renard

 

 

Alors qu’un soleil si soyeux caressait tendrement les cimes mouvantes de la vaste et profonde forêt fourrure luxuriante du Château de Dhômford, ne voilà-t-il pas qu’au loin surgit une scintillante pimpante et gaillarde renarde, Jade, animatrice de radio, esprit vif et sourire goguenard, coulée dans une époustouflante prestance, à la brillance débordante plus de spontanéité vive que de malice, gambadait en sifflotant, revenant de plusieurs mois d’escapades et périples savants aux confins de diverses forêts conceptuelles non encore confinées.

Jade, lorsqu’elle revenait de ces contrées lointaines ou s’était absentée un certain moment, avait toujours l’habitude de passer par d’étranges chemins supposés sereins par leurs étroites et feuillues sinuosités, invisibles aux profanes ; Jade y ressentit ce qu’il y avait eu de nouveau dans leurs effluves, ces écluses et sondes laissant passer l’humeur des choses et des êtres, elle huma cette senteur émanant de leurs plis imbibant l’atmosphère environnante et y saisit une inquiétude sourde source d’humus tumultueux à terme avec tonalité du tambour cardiaque garanti, une joie brûlante l’envahit, l’inconnu ne lui faisait pas peur du moins maintenant dans ce retour empli de forces fraiches.

Elle aima comparer ses impressions avec celles mémorisées naguère au même endroit (théorème de Virginia Woolf) se rafraîchissant ainsi, s’emmitouflant vigoureusement en elles se revigorant dans ces profondes, épaisses, saillies feuillues, ces longues trouées temporelles autant de tunnels (vortex) fantastiques féériques, magiques, rêves éveillés formant son réel perceptif faits de micros cascades d’images et de sensations appelées communément « eau » (d’aucuns parlent même de H2O) elle s’y enfouit à l’arrière de touffus saules connus des seuls initiés.

Soudain, elle vit, en un éclair, à la croisée de deux de ces trouées mystérieuses, et au bas d’un somptueux chêne millénaire, le sournois manège d’un de ses anciens mentors et amis, gouailleur, paillard, soutirant malignement la belle galette de fromage au bec d’une vieille connaissance son valeureux voisin, Maître corbeau Noé, gilet jaune à ses heures, « défavorablement connue des services de police » à force de fraude fiscale : Noé ne déclarait pas tous ses fromages pour la bonne raison que la plupart avait été « trouvé » voire « donné » pour son association « l’Arche de Vie », dont celui-ci certainement, d’où ce côté si banal du voleur alpagué qui n’a jamais « rien fait ».

Jade la renarde s’immobilisa verticalement sur ses pattes arrières les pattes avant sur ses hanches déhanchées (si pimpante à faire hurler, en même temps -mais sans doute guère ensemble- féministes et machistes) et quoiqu’elle avait pourtant tant affaire après plusieurs mois d’absence elle décida cependant de fêter son retour en consacrant un peu de temps à la demande criante de justice du maître Corbeau Noé son chaleureux et si naïf voisin, hésitant, apeuré visiblement, elle s’approcha du chapardeur en se mettant bien en évidence, prête à bondir, le forçant en retour à ne pas continuer son effort, s’immobilisant en attendant.

C’était un de ces très grands renards argentés au regard sans lueur, tueur, et au nom pesant : Nabuchodonosor. Ils avaient été naguère follement complices en filouteries et amourettes plus ou moins organisées dans le feu des expérimentations sauvages refaisant le monde jusqu’à leur séparation brutale, « Nabu » préférant rester sur place, Jade appelée plutôt par le grand large.

« Nabu » en riait encore du tour joué à Maitre Corbeau, humant de tout son saoul ce si beau fromage enserré par ses dents acérées et qu’il se fit fort de ne pas le dévorer sur le champ ; il se faufilait dans des fougères complices y croisant quelques furets toujours ardemment et hardiment pressés, lorsqu’il rencontra Jenny, autrefois sa maîtresse, également en filouteries flagorneuses et paillardes ; elle était allongée de tout son long à l’orée d’une clairière, sa tête posée sur une souche généreuse, reprenant du soleil, entre deux entrecroisements de belles feuilles chenues, la lumière l’auréolait.

Mais ! Que tiens-tu donc là dans ta gueule goulue, cher, ô cher Nabu ? Dit-elle de sa voie gouailleuse soulevant ses lunettes en cœur, d’or, elle se redressa sur un coude tout en ouvrant le haut de sa jaquette bleu azur aux innombrables boutons nacrés qui la serraient un peu.

— Jade ! S’exclama Nabuchodonosor dans un souffle empli d’embarras et d’appétits déçus.

Tu apparais venue de nulle part ! Comment va ? Toujours à la radio ? Moi, comme tu le vois, je viens de soulager Maître Corbeau, ton meilleur ami à ce que l’on dit, d’un beau fromage qu’il venait de voler chez Pierrette la pie, je vole les voleurs moi renard des bois ! Viens dans mon antre diantre ! Y goûter jusqu’à t’en péter la panse !...

— Que nenni mon ami voleur de brie, je dois de ce pas m’en aller m’occuper de ces ouailles impatientes dont s’occupe précisément mon très cher ami Noé, Maitre corbeau de son état, et je te remercie de me croiser ainsi avec ce si beau fromage que tu ferais bien de me donner tant en plus tu me dois je ne sais combien de coulants jamais rendus…

— Je ne sais pas…

— Que diable t’avises-tu à détrousser un de mes amis très chers, mon brave Nabu ?... Lui lança-t-elle gouailleuse.

— Du droit de voler les voleurs très chère Jade…sans plus…

— Et ainsi de suite, soit ! Attends-toi donc à subir le même sort !...

— De quel droit ? Crois-tu m’impressionner par quelques crocs ?...

— C’est mon voisin et ami te dis-je ! Je ne permettrais donc pas…

Ils se toisèrent, Nabu retroussa ses babines laissant apparaître quelques longues incisives et canines, Jade secoua immédiatement sa fourrure aux poils hérissés elle avait triplé de volume signe d’une attaque imminente, elle était connue pour ses assauts fulgurants tant Jade n’était guère friande de préliminaires interminables. Nabuchodonosor comprit l’allusion et ferma sa gueule :

— Si tu le prends comme ça, bien sûr, et comme je veux que tu continues avoir cette belle et très bonne image de moi que tu colportes sans doute ici et là (je t’ai tout appris, rappelle-toi, tout…) je m’incline devant tant de générosité… Mais ce sera pour la dernière fois, en souvenir de notre glorieux passé…

— Dis plutôt que tu as peur de prendre une dérouillée, oui…

— MMH… Bon… D’accord… Mais promets-moi de passer quand tu pourras, j’ai tant de choses à te dire, te montrer….

— Promis Nabu, et, bon vent !...

Jade, faramineuse renarde, se leva, le fromage entre ses fines mâchoires, mais il se mit à pleuvoir ! Damned ! Pétard ! Vite, vite, vite, elle arriva enfin dans sa belle maison sous terre, vit son voisin et meilleur ami le corbeau bien marri enfoui dans un fauteuil muni d’une chope conséquente pour y noyer le chagrin du jour.

— Diable ! Noé ! Ô chou d’amour !  Ne voilà-t-il pas une mine bien trop contrite pour ce si doux après-midi ? Que se passe-t-il ? Et où sont mes filleuls, les trois petits cochons, j’ai un beau fromage à leur offrir regarde, ne serait-ce pas le tien d’ailleurs ? Ah ! Ah ! Ah !...

­— Jade, amie de toujours ! Te voilà rentrée donc !!!... Tes petits sont avec Pierrette, Blanche Neige et les sept nains là-bas dans la grande clairière pour discuter de quelque chose d’absolument urgent ! Tous les habitants de Croquetou y sont aussi !... Les loups, les chats sauvages, les vieux chevaux, Blanche Neige donc, Cendrillon aussi, Causette, Gavroche…nos amis les pies, pinsons, alouettes, rouge gorges, pies verts, faisans, araignées géantes…

— Pour quelle raison cette réunion ?... 

—Une invasion de sangliers étrangers à la région et même du pays, leurs laies, marcassins compris, il y en a partout !

— Invasion, invasion, n’est-ce pas là un mot un peu fort ?...

— Pas autant que ce brie chérie ! Et peu importe les causes, innombrables, il s’avère en tout cas que présentement ils ont brisé les jarres de Pierrette en se jetant hâtivement dessus, elle n’a plus rien, tout a été saccagé, hormis une jarre de lait qu’elle va tenter de vendre vite fait tout à l’heure au marché, tout en portant plainte pour nous s’il n’y a pas d’accord. Tes filleuls défendent, hélas, leur présence, se mettant à dos le village sauf Blanche-Neige et Cendrillon toujours si gentilles, compréhensives…

 — Pourquoi ne vas-tu pas leur prêter main forte ?

     Á qui ?...

     Bonne question… Tu ne le sais pas ?...

     Il y a du pour et du contre ! D’accord pour les accepter s’ils s’intègrent à nous, même s’ils dérangent en apportant du nouveau, car la vie amène toujours de nouvelles traditions, et puis l’assimilation est-elle toujours totale y compris pour lorsque les autochtones se renouvellent ? « Chaque génération est un nouveau peuple » disait déjà Tocqueville ; de toute façon si elle est désirée la symbiose viendra d’elle-même mais cent fois non s’il nous faut au bout du bout partager le territoire et à la fin en arriver à la guerre plus rien nous reliant…

     Et, au fait, d’où vient ce fromage ?...

— C’est un don octroyé par Sylvain et Sylvette, fermiers bien connus et responsables d’une puissante coopérative qui est arrivée à se faire respecter des grands distributeurs, je devais l’apporter à cette réunion puisque c’est moi qui l’ai demandée, le voisinage étant de plus en plus en branle-bas de combat au vu des saccages malgré conciliabules palabres et tutti quanti… Tu viens ?... Sylvain et Sylvette doivent en être aussi d’ailleurs d’après ce que j’en sais…

     Pourquoi pas… Amenons ce beau brie à toute cette assemblée…

 

(...)

 

 

 

 

 

 

 

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