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Vestiges


Epsiløn

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Le bus m’emporte en des contrées sauvages

qu’aucune route empruntée ne saurait voir

Ici ou ailleurs il y a toujours une voie

menant vers ce nulle part où chaque pas nous porte

 

Les barres d’immeubles défilent sur des sentiers mille fois battus

si rares qu’il nous faut sans cesse en inventer les vies

au risque de se perdre au fond d’impasses méconnues

 

Derrière un muret de pierres grises l’herbe décharnée d’un sol sableux

nuit gravement à l’espoir

Jadis les enfants jouaient à la marelle ou bien aux billes

J’entends encore leurs cris dans cette mer d’huile

et les pleurs semblent se répercuter en un écho

qui soudain m’assaille

 

Il me faut voir pour comprendre

voir les mêmes graffitis sur les mêmes murs

les mêmes commerces éventrés aux rideaux d’acier

muets à en devenir fou

les quartiers aussi déserts que le Wadi Rum où s’égarent encore quelques rôdeurs

qui feignent d’exister dans un présent amer

les lèvres suspendues à un simple murmure

 

Autrefois les rues étaient vivantes du vrombissement des moteurs

les carrefours enclavés

les trottoirs vibrant des passants occupés à battre le pavé

 

J’ai cherché à saisir le cœur insondable des choses

le sens de chaque pierre posée sur l’édifice

un ordre quelconque qui eût pu m’éclairer sur un début de signification

Car ici l’exil gagne du terrain et les ombres s’effacent

Le tronc des arbres rabougris par l’abandon

 

Je me demande quand tout cela a commencé

Tout être recroquevillé tel le corps décharné d’un vieillard

Sans que nul ne s’offusque du drame

 

La procession s’enclenche rétrécissant l’espace

qui nous sépare encore du temps de nos ancêtres

Barrière impavide dans l’éternelle grisaille

 

Le bus s’arrête

Peu importe l’arrêt

Celui-ci ou un autre

Le silence des jours creux imprègne chaque parcelle d’abri

dénué de toute présence

A quoi bon descendre si ce n’est pour contempler l’absence

Autant poursuivre le chemin qui me mènera en d’autres lieux

 

Il me faudra errer des jours durant

A la recherche d’un lien pouvant redonner cours aux choses

Toucher les ossements de murs à l’agonie au sein d’immenses cathédrales

Sinuer entre les canaux émaciés de toute veine meurtrie

Suivre les colonnes d’éternité sous le ciel hivernal pour y trouver la paix

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