Partager Posté(e) 7 janvier 2020 Je cherche mon repli, mon creux, mon havre. Je suis en partance. Dans les strates infinies, un coin, quelque part, tout proche, attend. Patient comme l'oasis guettant l'ondée annuelle. Je me faufile, presque honteuse, dans des méandres de sable. Tant de grains ! Je ne savais pas. Tant de grains et un seul qui me convienne, un seul doté d'un reflet épousant mon âme et ses quelques regrets qui l'habitent, un seul parmi des millions qui me verra telle que je suis : aussi imparfaite qu'un éboulis de rochers au pied de la montagne au milieu du reg. Un seul que j'emporterai avec moi. J'ai tant aimé le désert Son vent chuchotant Son souffle violent Son crépitement minéral sous mes pas Son froid de la nuit envoûtant l'écho de la pierre éclatée jusqu'aux étoiles, réponse jaillissant des ténèbres de l'erg Son sec Son tranchant du caillou jusqu'à l'angoisse qu'il génère Rien n'est plus coupant qu'un désert. Un burin éternel qui pourtant pose sa douceur sur les dunes et les façonne, lascives et offertes. Seuls les millénaires les déplacent, elles rient du vent fusant, elles rient de l'enlisement. Elles rient. Inébranlables et légères à la fois. Elles rient de mon chèche entortillé et je ris avec elles. Du sable crisse entre mes dents. Elles jouent de moi, d'eux, de tous. Elles jouent et savent la valeur de leur jeu, lent, dont aucun de nous ne verra ni le début ni la fin, emprisonnés dans une espérance trop courte. Mais je divague... La dune est belle, elle lisse mon âme dans le repos, elle délasse mon corps dans ses chauds vallons. Je m'enroule dans ses volutes et elle me lamine, seuls ses grains sur ma peau me rappellent que je suis vivante. Encore. Que je crève de toutes les soifs. Mes yeux douloureux cillent au soleil réverbérant la brillance d'un ailleurs. Je lève le nez dans le bleu et souris encore, malgré mes lèvres fendillées. J'ouvre mes pensées, les soumets à cette étendue vibrante sous mon corps. Un arbre chétif est toute la luxuriance du lieu, l'arbre aux mille pensées, l'arbre aux trois feuilles : une pour lui-même, une pour le désert, une pour moi. Une parcimonie délicieuse, un bien précieux que je tiens, pour moi, près de moi, ne prélevant que ma part. Mes affres sont soulagées par cette feuille d'un vert atone posée sur mon front, elle qui a souffert tant et plus que moi, a gagné chacune de ses cellules, les a arrachées au sable et à ses grains. À l'insondable. Il est temps pour moi de me fondre dans ce berceau rêche comme les bras d'une mère usée par une humanité fatiguée. Cette mère, en grande douceur, étale sur mon enveloppe terrestre un grand voile blanc et me murmure le secret du vivant. - De rien, dis-je, ce fut un plaisir. Et mes yeux se ferment sur la beauté et la cruauté indicibles de ce monde, tandis que je reprends mon bâton de route vers d'autres mondes sans limites. Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites Plus d'options de partage...
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