Partager Posté(e) 8 décembre 2019 İl y a déjà longtemps de ça, Marquis, le cheval blanc du grand-père, monnayait le prix de son exis-tence avec de l'herbe verte bien drue, des pétales jaunes ou blancs... et des fleurs nouvelles, assouvissant ainsi son indispensable et grandissante faim de repos et de travail. Chaque jour il vaquait librement, surgissant de l'étable, sans qu'on l'en sorte, libre à lui d'aller boire au bacha, comme on dit chez nous les lyonnais, c'est à dire au bassin, où de se diriger vers le pré. Et il restait des heures entières sous l'éternel azur du ciel en train de manger ou de se reposer allongé, agacé par les mouches et les taons, indifférent aux quelques rares voitures qui passaient alors sur la route située le long du vieux clos bordé de peupliers, impressionnant par leur grande taille. Sur le soir il réintégrait l'étable, où il se tenait toujours là. Enfant, on me prévenait de ne jamais jouer devant l'entrée, car il en sortait au trot plein de vie et de force sur ses grosses pattes de cheval de trait. Ah, il l'aura traîné sa charrue et son tombereau ! et il en aura nourri des bouches par son labeur ! Sur le haut char-à-banc au marche-pied rouillé, j'ai tenu les rênes sous le regard attentif du grand-père avec son irrésistible béret noir sur la tête, derrière lui un monticule de pommes de terre prêtes à être mises à la cave. Et puis un jour son maître se faisant vieux aussi arrêta l'agriculture. Et il préféra s'en débarrasser... On m'avait prévenu qu'à telle heure le maquignon viendrait le chercher. Je l'ai vu monter dans la remorque sans broncher, personne ne disait rien d'ailleurs, pas même le grand-père qui pleurait en regardant la remorque s'éloigner sur le chemin qui menait à la vieille ferme aujourd'hui détruite, passant le long du pré vert dorénavant sans lui. Moi je trouvais tout ça normal... Je me croyais en classe, parce que j'apprenais le sens de la vie qui se révélait à moi. Mais maintenant que je l'ai compris je suis triste en pensant à cet instant qui n'est plus que fumée passagère dans mon esprit. Lien vers le commentaire Partager sur d’autres sites Plus d'options de partage...
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