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Un conte de Noël


Marc Hiver

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UN CONTE DE NOËL

 

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Les enfants grandissent toujours trop vite. Et avec la fin de l'innocence, c'est une partie de la magie de Noël qui fiche le camp.

 

La neige étendait son manteau blanc sur la ville encore endormie et, derrière la fenêtre, de gros flocons dansaient leur joyeuse sarabande. Une maman élevait seule cinq gamins, de pères différents, lui rappelant avec tendresse ses amours passées. Elle s'inquiétait. En effet, si ses mioches ne croyaient plus au Père Noël, ce serait désormais à elle d'acheter les cadeaux. Et cette dépense, elle ne pouvait l'assumer. Déjà qu'on la menaçait de couper l'électricité ! Que la petite épicerie au coin de la rue ne lui faisait plus crédit ! La malheureuse devait mendier un maigre plein une fois par semaine aux restos du cœur. Ses meubles et les fripes, dont elle habillait ses moutards, avaient pour marque Emmaüs. Pourtant, elle bossait dur la nuit à nettoyer des bureaux, mais elle faisait partie de ces travailleurs pauvres qui ne peuvent vivre de leur salaire et voient dans leur détresse miroiter les publicités vantant des biens et des douceurs qu'ils ne peuvent se payer.

 

À l'école, ses enfants subissaient la pression des autres gamins dans la cour de récré. Le plus grand, Christophe,  faisait contre mauvaise fortune bon cœur et s'ingéniait à désarmer ceux qui ne croyaient plus au Père Noël. Ces mécréants juvéniles lui expliquaient que ce sont les parents qui achètent les cadeaux dans les magasins de jouets ou en ligne sur Internet. Lui, répondait avec véhémence, par une sorte de pari de Pascal, qu'il valait mieux continuer à croire au Père Noël pour avoir les présents gratis que de ne plus croire et obliger les parents à y aller de leur poche. À force de conviction, il arrivait même à persuader certains de ses camarades les plus modestes.

 

Sa mère l'entendait souvent pleurer dans son lit et cela lui déchirait le corps et l'âme. Son aîné, malgré tout rechignait à écrire sa lettre au Père Noël et ses cadets l'imitaient. C'était donc la pauvre femme qui rédigeait les missives et les envoyait par la poste en Laponie. Car elle savait que le jour venu, en se réveillant, sa marmaille découvrirait les paquets et que la fête serait au rendez-vous. Et peu importait qu'ils crussent ou non, pourvu que l'ivresse de l'enfance reprît ses droits ! Cette mère courage déplia le sapin en plastique tout déplumé qu'elle avait trouvé à côté des poubelles il y avait longtemps, un début de janvier. Elle le décora tant bien que mal avec quelques boules éparses et une guirlande décolorée. Elle plaça ici et là quelques morceaux de coton qui imiteraient la neige et masqueraient le caractère misérable de l'ensemble.

 

Mais une question la taraudait toujours : si ses marmousets lui cachaient le fait qu'ils ne croyaient plus au bon vieillard barbu dans son traîneau tiré par des rênes, ce dernier continuerait-il à faire halte dans sa maisonnée ? Elle décida de se documenter, d'autant que sa voisine lui avait expliqué que le Père Noël n'était qu'une invention de Coca-Cola et qu'il n'y avait qu'à constater la similitude des couleurs !

 

Elle apprit ainsi que, dès 1922, la marque Coca-Cola chercha à toucher les Américains toute l'année, renonçant à enfermer les bulles de sa boisson dans les seules limites des chaleurs estivales. Bien que le soda ait donné cette image du bon vieux bonhomme jovial et qu’il ait habillé le Père Noël en blanc et rouge, cela n’avait rien de novateur.

 

Par ailleurs, les Américains considèrent que le Père Noël habite au Pôle Nord. Pour les Finlandais, c'est impossible : les rennes ne pourraient y survivre. Finalement un Finnois, l’Oncle Marcus, a situé en 1927 son antre sur le cercle polaire, à la frontière russo-finlandaise, en Laponie. L’adresse mythique est d’ailleurs d’une extrême précision : Colline de l’Oreille, Napapiri. Sa résidence se trouverait donc à 483 mètres d’altitude, à 9 kilomètres de Rovaniemi (capitale de la Laponie finnoise) et à 2 621 kilomètres de Paris. Pour les Danois, il habiterait au contraire au Groenland. Enfin, les Russes sont convaincus de l'avoir localisé en Sibérie.

 

À cette lecture, la maman aux cinq enfants de toutes les couleurs fut rassérénée. Cette controverse autour du village du Père Noël la conforta dans son existence.

 

Alors, si la Bible est le livre le plus acheté au monde, racontant l'histoire d'un Être dont certains pensent qu'il ne faut même pas prononcer le nom, l'industrie musicale, elle, couronna White Christmas aux USA et Petit Papa Noël en France comme les meilleures ventes ! D'ailleurs, puisque certains croient qu'une jeune fille a pu être fécondée par le Saint-Esprit et qu'ayant accouché, elle est restée vierge, l'histoire du Père Noël ne serait pas plus abracadabrantesque ! Histoire païenne contre histoire religieuse, un partout et la hotte au centre ? D'autant que si Dieu n'est pas toujours gentil avec sa progéniture — le déluge, la traversée du désert avant d'atteindre la terre promise —, le bon papa, lui, éternel père adoptif de tous les enfants de la Terre, sourit à tous ceux qui daignent lui faire confiance, cette poudre d'amitié dont il est si friand !

 

***

 

Le jour de Noël arriva. La veille, les cinq loupiots, pour déculpabiliser leur mère, lui dirent, en l'embrassant avant de s'endormir, que ce qui comptait le plus à Noël, ce n'était pas les cadeaux, mais l'esprit de Noël, une formule qu'ils avaient trouvée dans les films à la télévision pendant la période des fêtes. La maman fondit en larme, comprenant très bien le message qu'ils voulaient lui adresser. Avec la foi du charbonnier, elle s'assoupit. Les enfants se demandaient toutefois s'il y aurait un petit quelque chose pour eux.

 

Au petit matin, le nid était en effervescence. On se précipita dans le salon où trônait le sapin en guenille. Et là, tout autour, les paquets colorés et enrubannés attendaient la surprise et les rires qui fusèrent malgré le froid puisque l'électricité avait été coupée durant la nuit par un agent d'astreinte zélé malgré la loi en vigueur l'hiver.

 

Alors, le plus grand entraîna sa mère dans la cuisine et lui révéla qu'il avait douté de l'existence du Père Noël pour une bonne raison : comment expliquer son ubiquité, comment comprendre qu'il puisse assurer sa tournée mondiale en une seule nuit ? Mais avant de s'endormir il avait repensé à L'Attaque des clones dans Star Wars, sa série préférée. Mais oui, bien sûr! Le Père Noël s'était cloné lui-même et tout s'éclairait comme par magie !

 

 

 

C'est alors que la plus petite, Isabelle, tira sa mère par la manche et lui murmura :

— Maman, j'ai fait une grosse bêtise !

— Ah oui ! Ma chérie, mais quelle bêtise ?

— J'ai attendu le Père Noël.

— Et alors ?

— Alors je l'ai vu. Et il m'a semblé bizarre.

— Pourquoi ?

— Parce qu'il n’était pas tout à fait habillé comme sur les images.

— Comment ça ? Il n'avait pas son costume habituel ?

— Si, maman, il avait bien son bonnet et son manteau rouges.

— Je ne comprends pas ce que tu veux me dire.

— Son manteau...

— Quoi, son manteau ?

— Il avait quelque chose par dessus !

— C'était quoi ?

— Un gilet !

— Un gilet ?

— Oui, un gilet jaune !

 

Modifié par Marc Hiver
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